Les frais juridiques pèsent lourd dans le budget de certaines villes, qui sont engagées dans des sagas devant les tribunaux, financées par les fonds publics. En voici quelques exemples.

3,17 millions à Sainte-Adèle

Depuis 2006, un bras de fer judiciaire oppose la Ville de Sainte-Adèle à son citoyen Marc Lupien, dont la propriété se trouve en haut du sommet Bleu, juste à côté de la croix qui surplombe le village. La Ville y a englouti 3,17 millions jusqu’ici. Le conflit a commencé au sujet du respect d’une servitude de passage dont dispose la Ville sur le terrain de Marc Lupien pour faire l’entretien de la croix, mais l’affaire a dégénéré avec les années et les poursuites de part et d’autre se sont multipliées. Actuellement, une vingtaine de personnes, organismes ou successions sont visés par des poursuites engagées par Marc Lupien, pour une somme totale de 13 millions.

1,19 million à Boisbriand

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

À Boisbriand se trouve un quartier habité en bonne partie par des juifs hassidiques.

Le feuilleton judiciaire opposant la Ville de Boisbriand à la communauté juive hassidique qui y habite a coûté 1,19 million en frais juridiques aux coffres municipaux depuis 2014. Et ce n’est pas fini : la municipalité entend s’adresser à la Cour suprême pour lui demander de casser la décision de la Cour d’appel, qui a donné raison en octobre à la communauté hassidique, ce qui entraînera encore d’autres frais. Le litige concerne le refus de la communauté hassidique de payer des taxes municipales sur ses écoles, comme le réclame la Ville depuis des années, puisqu’il s’agit d’« institutions religieuses », comme l’a décrété un juge de la Cour du Québec en 2020, jugement maintenu par la Cour d’appel.

900 000 $ à Saint-Lambert

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Le bruit des concerts présentés dans l’île Sainte-Hélène troublait la quiétude des résidants de Saint-Lambert.

En 2015, la Ville de Saint-Lambert dépose une poursuite contre la Société du parc Jean-Drapeau et la firme evenko pour les forcer à réduire le bruit qui émane des concerts présentés l’été dans l’île Sainte-Hélène, qui troublent la quiétude de ses citoyens. Le procès est prévu pour l’automne 2019, mais les parties décident de négocier et concluent une entente sur un niveau de décibels jugé acceptable pour tous. L’entente est ratifiée par le conseil municipal en novembre 2020. Même s’il n’y a pas eu de procès, l’affaire a coûté plus de 900 000 $ à la Ville de Saint-Lambert. La mairesse Pascale Mongrain déplore d’autres frais juridiques importants pour sa petite municipalité, en raison de conflits qui ont secoué le conseil municipal précédent : un ancien conseiller municipal poursuit l’ancien maire et l’ancien directeur général de la Ville, qu’il accuse de diffamation, et les frais d’avocats de toutes ces personnes doivent être payés par les contribuables de Saint-Lambert. Les factures s’élèvent déjà à plus de 150 000 $, et les procédures sont loin d’être terminées.

500 000 $ à Mascouche

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Un litige opposant la Ville de Mascouche à la résidante Ginette Dupras a coûté 500 000 $ aux contribuables.

Au début du mois, Québec a modifié ses lois pour permettre aux municipalités de protéger les milieux naturels sur leur territoire sans crainte d’être poursuivies par les propriétaires des terrains pour expropriation déguisée. Ces changements visent notamment à éviter les litiges comme celui qui a débuté en 2016 entre la Ville de Mascouche et Ginette Dupras, propriétaire depuis 1976 d’un terrain boisé inoccupé, payé 1 $ à une tante. En 2006, la Ville modifie le zonage du terrain de « résidentiel » à « conservation », ce qui empêche Mme Dupras de le vendre pour y faire du développement résidentiel, et vient donc réduire sa valeur. En 2016, la citoyenne poursuit la Ville, qui a refusé d’acheter le terrain pour 4,5 millions. Un jugement de la Cour supérieure lui donne raison en 2020, mais ne lui attribue que 436 000 $, ce qu’elle juge insuffisant. La Cour d’appel donne encore raison à la citoyenne en 2022, et renvoie l’affaire en Cour supérieure. Quelques mois plus tard, la Cour suprême refuse d’entendre l’affaire, ce qui fait craindre aux municipalités de ne plus avoir le droit de protéger des espaces verts. Jusqu’aux récents changements législatifs, que des avocats ont promis de contester devant les tribunaux. Toute cette affaire a coûté jusqu’à maintenant 500 000 $ aux contribuables de Mascouche, et les honoraires d’avocats continuent de s’additionner puisque les procédures judiciaires ne sont pas terminées.

375 000 $ à Longueuil

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Cerfs de Virginie dans le parc Michel-Chartrand, à Longueuil

L’histoire a fait grand bruit partout au Québec : la décision de la Ville de Longueuil, en 2020, d’euthanasier des cerfs de Virginie dans le parc Michel-Chartrand a été contestée jusqu’en Cour d’appel par des défenseurs des droits des animaux, représentés par la célèbre avocate Anne-France Goldwater. La Ville a eu gain de cause l’automne dernier et a annoncé qu’elle allait procéder à l’abattage de plus de 100 cerfs au cours de l’automne 2024. Les cerfs se sont multipliés dans le parc jusqu’à mettre en péril la survie de l’écosystème, plaide la Ville. Les démarches judiciaires pour se défendre en cour ont coûté à Longueuil 375 000 $.

340 000 $ à Rosemère

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Vue aérienne de l’ancien golf de Rosemère

La guerre judiciaire bat toujours son plein entre la Ville de Rosemère et le promoteur immobilier Quartier Melrose, qui a déposé il y a un an une poursuite de 278 millions contre la municipalité, la MRC et la Communauté métropolitaine de Montréal. Dans ce cas aussi, le promoteur soutient être victime d’une « expropriation déguisée » : il est d’avis que l’adoption d’un règlement sur la préservation des golfs en espaces verts signifie la « confiscation du terrain » – il a acheté l’ancien terrain de golf en 2018 pour y faire du développement résidentiel, malgré le fait que le zonage ne le permet pas. Quartier Melrose avait déposé précédemment une poursuite de 4,7 millions contre la MRC de Thérèse-De Blainville et la Ville de Rosemère, après l’adoption par la MRC d’une résolution suspendant la demande de changement d’affectation du terrain pour le zoner résidentiel. Les frais juridiques de la Ville dans cette affaire totalisent déjà 340 000 $ et n’ont pas fini de grimper.