Malgré les difficultés que les grèves ont occasionnées aux citoyens, « le soutien de la population a été constant », selon Caroline Senneville, présidente de la CSN.

« Les gens venaient nous porter du café. En Abitibi, une PME nous a même livré un gros foyer extérieur ». C’est cet appui de la population qui a le plus frappé Caroline Senneville lors de la dernière négociation.

Ces dernières années, les syndicats étaient moins visibles. La dernière lutte a de fait « remis le syndicalisme à l’avant-plan et de façon positive », relève en entrevue à La Presse Mme Senneville.

« Les gens savaient pourquoi on se battait. On se battait pour les services publics. »

Et cette fois, à son avis, le gouvernement n’a pas été en mesure de faire avaler à la population que « ce qui était donné au secteur public était enlevé aux autres personnes ».

N’empêche, les grèves ont été durement ressenties. Les écoles ont été fermées, des chirurgies et traitements ont été annulés. Comment l’éviter, une prochaine fois ? Il faudra « que le gouvernement ne tienne pas les services publics pour acquis et qu’il ne tienne pas pour acquis ceux qui les dispensent. C’est encore géré comme si on avait une liste de rappel de trois pieds de long. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Manifestation du Front commun, le 23 septembre 2023

Contrairement à d’autres syndiqués, ceux de la CSN avaient accès à un fonds de grève (le fonds de défense professionnel constitué des cotisations régulières des membres).

Mais comme pour les autres grévistes, les prochaines hausses de salaire ne seront pas modulées suivant le lieu de résidence, même si le coût de la vie varie énormément d’une région à l’autre. De faire une telle différenciation « ne faisait pas partie de nos demandes cette fois-ci », mais peut-être une prochaine fois, indique Mme Senneville, se disant consciente que la crise du logement change beaucoup la donne.

Les membres de la CSN se prononceront sur l’entente de principe d’ici au 20 février. Mme Senneville dit qu’il reviendra à chaque assemblée générale d’en décider de manière souveraine, mais que le projet de règlement présenté aux exécutifs syndicaux et aux fédérations est accueilli favorablement jusqu’ici.

Les prochaines batailles

Au cours de la prochaine année, la CSN promet de livrer bataille contre une centralisation qu’elle redoute à la suite de promulgation de gros projets de loi en santé et en éducation.

« Nos membres sont plus que dubitatifs quant à ces réformes-là », note Mme Senneville.

Elle ajoute que « le ministre de la Santé [Christian Dubé] a dit qu’il se donnait du temps pour implanter des structures et il a dit que son projet de loi peut être perfectible. On le prend au mot, on veut voir quels angles peuvent être arrondis ».

Selon Radio-Canada, le gestionnaire qui sera recruté pour gérer la nouvelle agence Santé Québec touchera un salaire de 543 000 $, en plus d’incitatifs à la performance.

« Beaucoup de gens qui travaillent très fort dans l’administration publique et qui ont le souci de l’État ne gagnent pas cela », commente au passage Mme Senneville.

De façon générale, elle se dit préoccupée par le recours accru au privé et à l’importation des pratiques qui y ont cours, tout en se désolant de la bureaucratie qui oblige les travailleurs à remplir toujours plus de formulaires, avec pour conséquence « qu’ils sentent moins l’impact de leur travail ».

Mme Senneville évoque ici une chronique de La Presse ayant révélé la difficulté pour des patients en CHSLD d’être ne serait-ce que bien hydratés. Elle rappelle aussi le cas de « cette infirmière qui a été suspendue trois jours pour avoir mangé une toast » pendant son quart de travail.

Et après, note-t-elle, un grief doit être entendu, à grands frais et avec de très longs délais.

Les syndicats n’y sont-ils pas pour quelque chose aussi dans cette bureaucratie ?

« Le nombre de minutes que l’on passe avec un patient n’est pas conventionné, répond Mme Senneville, soulignant que ce sont les administrateurs qui le déterminent.

La présidente de la CSN fait enfin observer qu’« une négociation devrait être le moment de régler » ce genre de choses qui font rouler carré le système. « Mais pendant plusieurs mois, on s’est fait dire [par le gouvernement] : « Ce n’est pas une priorité, on ne veut pas en parler. »