(Ottawa) Le haut-commissaire d’Afrique du Sud et la représentante en chef de la Palestine au Canada exhortent le gouvernement Trudeau à se joindre à la cause portée devant la Cour internationale de justice (CIJ), qui accuse Israël d’actes génocidaires.

« Nous devons agir afin de mettre un terme immédiat et urgent à ces massacres brutaux, systématiques et organisés de civils palestiniens », a déclaré mercredi dans un discours virtuel le représentant de Pretoria à Ottawa, Rieaz Shaik.

« En tant que Sud-Africains, nous connaissons la réalité de l’apartheid. Nous avons vécu l’apartheid et nous avons souffert de l’apartheid. Nous reconnaissons l’apartheid lorsque nous voyons l’apartheid », a-t-il ajouté ensuite au téléphone.

D’ailleurs, après le renversement du régime ségrégationniste, et à la veille de l’instauration d’une démocratie, en 1994, le président Nelson Mandela affirmait que le peuple sud-africain ne pouvait se considérer comme libre tant que le peuple palestinien ne le serait pas, a rappelé le haut-commissaire Rieaz Shaik.

Le diplomate insiste sur le fait qu’il ne « demande » rien du Canada, mais qu’il l’« encourage » plutôt à se rendre aux arguments de l’Afrique du Sud. Car il existe une distinction entre « soutenir Israël et soutenir le génocide », a-t-il fait valoir.

Même son de cloche du côté de la représentante en chef de la délégation générale de la Palestine au Canada, Mona Abuamara. « Ce que nous souhaitons en premier lieu, c’est que la population canadienne s’intéresse à l’affaire », a-t-elle indiqué en entrevue.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La représentante en chef de la délégation générale de la Palestine au Canada, Mona Abuamara

« Demain [ce jeudi] sera une journée très importante pour la cause palestinienne », a-t-elle ajouté.

La CIJ, un tribunal établi à La Haye, aux Pays-Bas, se penchera alors sur la requête de l’Afrique du Sud. D’après Pretoria, les frappes israéliennes sur Gaza ainsi que le siège des Palestiniens qui y vivent « revêtent un caractère génocidaire ».

L’État d’Israël a qualifié ces allégations de « répugnantes » et de « non fondées ».

Le gouvernement Trudeau, lui, n’a toujours pas pris position dans le dossier.

Le deuxième pilier de l’affaire, qui devrait normalement être tranché avant l’enjeu de fond, est une demande d’imposer des mesures provisoires afin de protéger la population palestinienne. « Si c’est approuvé, le strict minimum, pour le Canada, serait de suivre le principe de ne pas nuire [do no harm] », dit Rieaz Shaik.

Ça, ou ne pas « se poser en obstacle » en déposant devant la CIJ une soumission en faveur du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, renchérit Mona Abuamara.

Le Parti vert appuie la cause

Le Parti vert du Canada, qui compte deux députés à la Chambre des communes, est d’avis qu’Ottawa doit se ranger dans le camp palestinien – d’autant que le « soutien inconditionnel » du gouvernement Trudeau à l’État hébreu a « trop longtemps fourni une couverture diplomatique [aux] abus » de Tsahal.

Saluant l’Afrique du Sud pour son initiative, la formation plaide que le Canada doit « soutenir de tels efforts pour clarifier la situation actuelle et la recherche de la justice », a-t-on tranché dans une déclaration publiée mardi.

Les libéraux divisés

Au sein des rangs libéraux, ce nouveau développement montre bien que la ligne de fracture entre certains des députés persiste.

Anthony Housefather et Marco Mendicino ont repris à leur compte les arguments mis de l’avant par la juge à la retraite de la Cour suprême du Canada Rosalie Abella. La magistrate de confession juive a pris la plume pour dénoncer la démarche judiciaire dans une lettre d’opinion parue dans le Globe and Mail.

« Nous partageons l’avis de Rosalie Abella […] selon laquelle l’affirmation de l’Afrique du Sud devant la CIJ, selon laquelle Israël commet un génocide, est sans fondement et inadmissible », ont écrit les deux élus dans une lettre conjointe partagée sur les réseaux sociaux.

En revanche, leur collègue Salma Zahid a appuyé le processus sud-africain et exhorté le Canada à y ajouter sa voix. La requête introductive d’instance, a-t-elle argué dans une missive aussi publiée sur les réseaux sociaux, « soulève de sérieuses questions » sur la façon dont l’État hébreu se comporte.