Le refus par le gouvernement Legault d’entériner la nomination d’une chercheuse spécialisée dans les droits des minorités, l’islamophobie et les discours haineux fait bondir la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), qui redoute une ingérence politique.

Selon les informations recueillies par La Presse, deux professeurs doivent être nommés au conseil d’administration de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), seul établissement au Québec à se consacrer exclusivement à la recherche universitaire et à la formation aux cycles supérieurs.

À l’interne, les professeurs ont choisi pour les représenter Sophie Duchesne, qui travaille sur des questions d’eau potable, et Denise Helly, qui s’intéresse aux droits des minorités et aux discours haineux.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’INRS

Denise Helly, professeure titulaire de l’INRS

Il revenait ensuite au Conseil des ministres d’entériner les deux nominations, « ce qui est normalement une simple formalité », indique en entrevue Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU.

Or, le 29 novembre, la nomination de Mme Duchesne a été entérinée, explique Mme Pastinelli, « mais pas celle de Denise Helly », qui a été refusée, et ce, sans qu’aucune explication soit donnée par le gouvernement.

Missive sans réponse

Le 10 janvier, la FQPPU a écrit une lettre à Pascale Déry, ministre de l’Enseignement supérieur.

« Le refus de recommander la nomination de cette collègue ne peut que reposer sur des motifs sérieux, qui devraient être communiqués clairement et sans délai à toutes les instances impliquées dans le processus, écrit la FQPPU. Il nous apparaît en effet essentiel que le gouvernement agisse dans le respect des principes sur lesquels repose la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire et qui incluent le respect de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et le fait que ceux‐ci puissent accomplir leur mission sans contrainte doctrinale, idéologique ou morale. »

La FQPPU dit ne pas avoir reçu de réponse.

Devant l’absence d’explications, la chercheuse Denise Helly se dit dans le néant quant à ce qui a pu bloquer sa nomination. Elle est convaincue, explique-t-elle en entrevue, que son âge (elle est octogénaire) n’y est pour rien. « Ce serait de l’âgisme, ce serait discriminatoire » et le gouvernement n’oserait pas faire pareille chose, à son avis, d’autant, dit-elle, qu’elle enchaîne la parution d’ouvrages.

Elle s’inquiète cependant en entrevue de la possibilité qu’elle soit victime d’ingérence du gouvernement dans la vie universitaire, ou alors de « profilage idéologique » en raison des objets de ses recherches.

Dans le communiqué de la FQPPU qui sera publié ce vendredi, Jean-Charles Grégoire, président du Syndicat des professeurs de l’INRS, s’étonne lui aussi de ce que le gouvernement ne justifie pas son refus d’entériner la nomination. « Nous avons reçu la nouvelle, mais il n’y a pas eu d’explication de la part du Ministère pour l’accompagner. »

Interpellé, le cabinet de la ministre Pascale Déry a indiqué qu’il n’avait pas de commentaires à transmettre dans l’immédiat sur cette question.

L’Institut national de la recherche scientifique n’a pas donné suite à notre courriel.