Les parents d’un jeune Français déplorent les dédales administratifs qui ont retardé le début du cégep de leur fils

(Ottawa) Un jeune Français a fait son entrée au cégep in extremis lundi. Gaston Quénéhervé a pu obtenir son permis d’études après que La Presse se fut intéressée à son cas. Ses parents étaient coincés dans les dédales administratifs du ministère fédéral de l’Immigration.

« J’ai l’impression d’avoir fait un marathon cauchemardesque », s’est exclamée sa mère, Cécile Quénéhervé. Elle venait d’apprendre que son fils allait enfin pouvoir commencer son programme au cégep de Saint-Laurent. Il a manqué toute la session d’automne faute de pouvoir obtenir son permis d’études à temps alors que son frère étudie déjà là-bas.

La décision du ministère de l’Immigration est tombée le 4 janvier, 10 mois après la demande initiale. Une longue période durant laquelle Mme Quénéhervé a envoyé sept messages pour s’enquérir de l’état de sa demande sans jamais qu’on l’informe du document manquant. Même ses démarches auprès de son député, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, n’ont eu aucun effet.

« Votre demande, telle que présentée, a été refusée », lui a écrit le ministère de l’Immigration le 4 janvier, moins de trois semaines avant le début de la session d’hiver. La phrase a eu l’effet d’un coup de poing pour la famille, qui apprenait qu’elle avait omis de fournir la lettre d’admission du cégep. Or, Cécile Quénéhervé est formelle, cette lettre n’apparaissait pas dans la liste des documents justificatifs à fournir dans le formulaire de demande en ligne. Comme elle l’avait déjà soumise pour le certificat d’acceptation du Québec, elle croyait que tout était conforme.

Elle est où, l’humanité, là-dedans ? C’est un dossier qui a mis 10 mois pour aboutir sur le bureau de quelqu’un. Et sans états d’âme, parce qu’il manque une pièce, on supprime le truc avec toutes les conséquences qui sont derrière.

Paol Quénéhervé, le père de Gaston

Cécile et Paol Quénéhervé ont craint que leur fils finisse par perdre une année complète d’études. La famille s’est établie à Montréal il y a quatre ans et a un statut de résident temporaire. M. Quénéhervé est pilote d’avion pour Air France, et ils en profitent pour vivre quelques années sur différents continents. C’est la première fois qu’ils rencontrent ce genre de difficultés et ils ont pourtant soumis plusieurs autres demandes de permis d’études pour leurs trois enfants.

« Immigration Canada n’a pas l’habitude de demander un complément d’information contrairement au ministère québécois de l’Immigration qui envoie une lettre d’intention de refus qui, dans les faits, veut dire un complément d’information. On a alors 60 jours pour donner suite », explique l’avocate en droit de l’immigration Krishna Gagné. Elle note qu’au fédéral, « c’est vraiment à la discrétion » du fonctionnaire.

MGagné souligne que la lettre d’admission du cégep est obligatoire pour faire une demande de permis d’études et qu’elle peut être jointe dans la section « Renseignement du client » en ligne. Cette case se trouve sous la rubrique « Documents optionnels » dans le formulaire de demande de la famille Quénéhervé. La Presse a pu consulter une capture d’écran.

Le ministère « le moins humain », dit le Bloc

« Ça devrait être le ministère le plus humain, mais c’est probablement le moins humain », déplore le porte-parole du Bloc québécois en matière d’immigration, de réfugiés et de citoyenneté, Alexis Brunelle-Duceppe, qui doit fréquemment intervenir pour régler ce genre de dossiers. Le Bloc québécois estime que le Québec devrait gérer seul les demandes de permis d’études.

« C’est la “maison qui rend fou” dans Les douze travaux d’Astérix, sauf qu’Astérix, il s’en sort, alors que la plupart des gens ne s’en sortent pas, image-t-il. C’est malheureux, parce qu’on a l’impression que les fonctionnaires ne sont pas bons, mais c’est vraiment structurel comme problématique. »

La correspondance de la famille Quénéhervé en donne un bon aperçu. « Thank you for contacting Immigration, Refugees and Citizenship Canada », répond-on à Cécile, un mois après son premier message pourtant rédigé en français comme l’ensemble de ses échanges avec le Ministère.

Chaque fois, elle reçoit une réponse générale écrite parfois en français, parfois en anglais, sans pouvoir obtenir de réponses à ses questions.

« Nous accusons réception de documents et souhaitons vous informer qu’ils ont été ajoutés dans le dossier. Veuillez prendre note que pour des raisons techniques, ils peuvent ne pas être visibles par l’entremise de votre compte en ligne », lui écrit le Ministère à plusieurs reprises.

Cécile a beau leur expliquer que son fils doit entreprendre un programme au collège LaSalle en septembre, que la demande de permis d’études a été envoyée des mois à l’avance, en mars, pour éviter ce genre de situation, rien n’y fait. Gaston et sa famille attendent. Septembre, octobre, novembre et décembre passent. Gaston doit même obtenir une lettre d’acceptation d’un autre établissement en cours de route dans l’espoir de commencer ses études postsecondaires en janvier. Il est impossible d’entamer son programme au collège LaSalle durant la session d’hiver.

La famille reçoit aussi le même genre de réponse générale au bureau de circonscription du ministre Miller. « Veuillez noter que seule la correspondance provenant de la circonscription de Ville-Marie – Le Sud-Ouest – Île-des-Sœurs recevra une réponse directe de notre équipe », répondent les employés à la famille au mois d’août. Ils ne recevront jamais d’autre réponse de leur part même s’ils habitent dans la circonscription et qu’ils ont fourni leur adresse pour le prouver.

Finalement approuvé

Ne sachant plus vers qui se tourner, ils ont contacté La Presse. Ils ont également écrit une lettre au Ministère pour qu’il reconsidère sa décision. La famille Quénéhervé nous a informés jeudi dernier que le permis d’études de Gaston avait finalement été approuvé quelques jours après notre intervention.

Après quatre demandes de délai supplémentaire pour répondre à nos questions, le ministère de l’Immigration a confirmé en soirée lundi que Gaston a pu obtenir un permis d’études valide jusqu’au 31 juillet après réexamen de son dossier. Les fonctionnaires n’ont pas répondu à nos autres questions et nos demandes d’entrevue auprès du ministre Miller ont toutes été refusées.

La famille espère maintenant obtenir le document officiel rapidement. Le cégep de Saint-Laurent a accepté de laisser Gaston s’inscrire à ses cours temporairement, le temps régler les derniers détails administratifs.