(Québec) Le plus haut dirigeant de l’Église catholique au Canada et archevêque de Québec est éclaboussé par des allégations concernant des agressions sexuelles qui auraient été commises sur une victime de 17 ans.

Le nom du cardinal Gérald Cyprien Lacroix, primat de l’Église catholique du Canada, a été ajouté jeudi dans des documents judiciaires qui font la liste de présumées agressions sexuelles, dans le cadre d’une importante action collective.

Le diocèse de Québec n’est pas la seule institution visée. Le Séminaire de Québec, qui a pour vocation de former les prêtres, a aussi été ajouté à la liste des défendeurs.

Le document déposé à la cour précise que les agressions alléguées se seraient produites en 1987 et en 1988 à Québec. Le cardinal Lacroix est visé par des allégations d’attouchements, qui n’ont pas encore subi l’épreuve des tribunaux.

En entrevue, l’avocat Alain Arsenault rappelle que l’identité de sa cliente est protégée.

Ses parents étaient des personnes très croyantes. Les évènements se sont produits lors de rencontres bibliques que M. Lacroix animait. Il l’a amenée dans un autre local et lui aurait dit de ne pas en parler à sa mère, car ça la tuerait. Elle a attendu la mort de sa mère avant de nous contacter.

Alain Arsenault, avocat de la victime

Le bureau d’avocats qui pilote cette action collective a précisé dans un communiqué jeudi que l’action compte désormais 147 membres. Ces personnes ont jusqu’à maintenant dénoncé de présumées agressions par plus d’une centaine de prêtres ou membres du personnel du diocèse de Québec. Les agressions sexuelles auraient été commises entre 1942 et 2018.

« On est passés de 101 à 147 membres et je vous dirais qu’on n’a pas encore fait le plein de plaignants, croit MArsenault. Je veux encourager les gens victimes d’abus, que ce soit au diocèse de Québec ou ailleurs, à appeler les bureaux d’avocats qui ont des actions collectives. La dénonciation, c’est la première étape de la guérison. »

MArsenault précise que le cardinal Lacroix sera convoqué à un interrogatoire préalable. « On va faire des interrogatoires en 2024 et ensuite un procès en 2025, on l’espère. »

D’autres membres du haut clergé sont visés. L’une des demanderesses, Paméla Groleau, dit par exemple avoir subi des attouchements faits par le cardinal Marc Ouellet, prédécesseur du cardinal Lacroix à l’archevêché de Québec. Ce dernier a nié en bloc.

L’un des demandeurs allègue avoir été agressé à 500 reprises par l’abbé Jean-Marie Bégin, dès l’âge de 9 ans. L’abbé Bégin s’est suicidé en septembre 1986, à l’âge de 60 ans, selon la requête introductive d’instance.

Le cabinet Arsenault Dufresne Wee indique que l’action collective a été autorisée en juin 2022. « Entre 2022 et 2023, des négociations ont eu lieu afin de tenter de régler le dossier à l’amiable. Toutefois, les parties n’ont pas réussi à s’entendre, ce qui a mis fin aux négociations. Le processus judiciaire est donc relancé, d’où les présentes démarches », précise un communiqué envoyé par la firme.

Des organisations multimillionnaires

Les avocats ont aussi ajouté jeudi d’autres défendeurs, en plus de l’archevêché de Québec. S’ajoutent désormais le Séminaire, l’Œuvre du Grand Séminaire, le Collège François-de-Laval ainsi que l’Assurance mutuelle des fabriques de Québec.

Dans les documents déposés jeudi, les avocats détaillent les finances des défendeurs. En février dernier, les actifs du Séminaire étaient ainsi évalués à 149 millions de dollars, selon une déclaration de patrimoine faite à l’Agence du revenu du Canada. L’archevêché de Québec déclarait quant à lui 94 millions d’actifs.

« Les Défenderesses ensemble, à l’exception de la Défenderesse Mutuelle, totalisent des actifs de près de 311 843 469 $, illustrant la capacité financière des Défenderesses d’assumer des dommages punitifs réclamés par les Demandeurs en leur nom et pour les membres du Groupe », peut-on lire dans la demande introductive d’instance modifiée.

Au moment de publier ce texte, le diocèse de Québec n’avait pas encore réagi à ces développements qui éclaboussent le cardinal Lacroix.

Rectificatif : une version précédente de ce texte a été corrigée, car elle reprenait des éléments fautifs de documents judiciaires déposés à la cour. Nos excuses.