Les échanges que Northvolt a eus avec le gouvernement Legault sans être inscrite au registre des lobbyistes du Québec, que La Presse a révélés vendredi, font l’objet d’une plainte au Commissaire au lobbyisme du Québec.

« La saga Northvolt soulevait dès son annonce d’importantes préoccupations : on nous confirme aujourd’hui qu’on a raison de s’inquiéter », a affirmé le député Haroun Bouazzi, porte-parole de Québec solidaire en matière d’énergie, indiquant avoir lui-même porté plainte.

Northvolt a eu des discussions avec des fonctionnaires du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie dès novembre 2022 et un déjeuner avec le ministre Pierre Fitzgibbon en février 2023 sans être inscrite au registre des lobbyistes.

Ces rencontres sont d’ailleurs intervenues avant que le gouvernement Legault modifie les règles pour éviter à la multinationale suédoise de devoir soumettre son projet de « giga-usine » de batteries en Montérégie au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Omettre volontairement des rencontres et contourner les règles environnementales, c’est ça, le ‘‘changement d’attitude’’ de François Legault ?

Haroun Bouazzi, porte-parole de Québec solidaire en matière d’énergie

De plus, la biologiste du ministère de l’Environnement qui a eu à analyser la demande d’autorisation déposée par Northvolt pour pouvoir amorcer les travaux de déboisement et de remblaiement des milieux humides sur son terrain serait la même qui avait accompagné l’entreprise dans les six mois précédents pour l’aider à préparer sa demande, affirmait de son côté Radio-Canada, vendredi.

BAPE réclamé

Ces nouvelles révélations montrent la nécessité de soumettre le projet à une évaluation du BAPE, estime Québec solidaire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le porte-parole de Québec solidaire en matière d’énergie, Haroun Bouazzi

« Pour rétablir la confiance et favoriser l’acceptabilité sociale envers le projet d’usine à batteries de Northvolt, il n’y a qu’une seule solution : François Legault doit démarrer un BAPE sans attendre », affirme Haroun Bouazzi.

« La façon dont ce dossier-là a été géré depuis le début, de manière un peu croche par le ministre Fitzgibbon, ça vient un peu nuire à l’image de la filière batterie au Québec », avait déploré un peu plus tôt la députée solidaire de Sherbrooke, Christine Labrie.

Évoquant un « passe-droit » à Northvolt, le député Joël Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement, a lui aussi accusé le gouvernement Legault de manquer de transparence.

« Le gouvernement, en nous faisant des cachotteries, nuit au projet, nuit à Northvolt et altère la confiance qu’on peut avoir dans un projet comme celui-là », a-t-il déploré.

Normal, dit Legault

Il est normal que les fonctionnaires aident les entreprises à préparer leurs demandes d’autorisation auprès du gouvernement, a plaidé le premier ministre François Legault, vendredi.

« Le rôle du ministère de l’Environnement, c’est d’accompagner les entreprises », a affirmé M. Legault lors d’une conférence de presse tenue dans sa circonscription de L’Assomption, soutenant que le processus d’autorisation ne devait pas être « une course à obstacles ».

Se défendant d’avoir changé les règles d’assujettissement à une évaluation du BAPE au bénéfice de Northvolt, le premier ministre a affirmé qu’il n’y avait auparavant « pas de normes pour la filière batterie ».

Or, avant que Québec adopte une nouvelle réglementation, en juillet 2023, le projet de Northvolt aurait été visé par la réglementation sur la fabrication de produits chimiques, prévoyant que tout projet dépassant une production annuelle de 50 000 tonnes devait être évalué par le BAPE.

La modification a soustrait la fabrication de batteries à cette règle et introduit de nouvelles exigences spécifiques à la fabrication d’équipements de stockage d’énergie, qui prévoient une évaluation du BAPE pour tout projet dépassant une production annuelle de 60 000 tonnes.

Northvolt prévoit une production annuelle de 56 000 tonnes.

« Je veux vous dire la fierté que j’ai d’avoir attiré des entreprises comme Northvolt, comme GM, comme Ford, qui viennent investir au total 16 milliards au Québec, qui viennent créer des emplois payants et qui viennent aider aussi à la transition énergétique », a affirmé le premier ministre.

« Je suis très fier que le Québec soit en train de devenir un leader mondial, et je pèse mes mots, un leader mondial de l’économie verte. »

Avec la collaboration de Tommy Chouinard et Fanny Lévesque, La Presse