L’image à l’écran montre un gros plan de la cuisse d’un homme et de son pénis. Un bébé en couche est assis sur ses genoux.

Dès qu’elle apparaît, tous les voyants s’allument dans l’esprit du lieutenant-détective Michael Sewall.

Nous sommes le 16 janvier 2021, dans une salle de clavardage privée du réseau de messagerie Kik. Voilà un an que le lieutenant-détective Michael Sewall, de la police du comté de Winnebago, au Wisconsin, est infiltré dans plusieurs groupes virtuels de discussion de cyberprédateurs sur ce réseau.

Il a réussi à gagner la confiance des usagers en incarnant le personnage fictif d’une mère de famille pédophile et incestueuse. Son alter ego lui a déjà servi d’appât des milliers de fois dans les derniers mois.

PHOTO FOURNIE PAR MICHAEL SEWALL

Michael Sewall, lieutenant-détective de la police du comté de Winnebago, au Wisconsin

C’était tellement nouveau pour eux de voir une femme qui aimait les mêmes choses qu’eux, qui ne les trouvait pas dégoûtants. Ils devenaient comme amoureux d’elle.

Michael Sewall, lieutenant-détective de la police du comté de Winnebago, au Wisconsin

Il a même réussi à se faire nommer administrateur de plusieurs groupes de discussion. Aux yeux des pédophiles, il est au-dessus de tout soupçon. Ils se confient à lui sans filtre.

En moins d’un an et demi, son opération d’infiltration permettra d’ailleurs de cibler 2500 suspects et de sauver 89 enfants dans une dizaine de pays. Dont une petite Québécoise.

Bien qu’il ne le sache pas encore, c’est elle qui apparaît, en ce 16 janvier, dans l’écran de Michael Sewall. L’enquêteur doit rapidement établir un fait essentiel : l’enfant sur l’image est-elle en danger immédiat ? Si oui, l’enquête devra changer de vitesse.

Le policier, toujours caché derrière son personnage de femme, entame une conversation privée avec l’utilisateur, sur qui il n’a que peu d’informations. Son interlocuteur affirme être un homme dans la trentaine, originaire du Canada, et père d’une fillette de 3 ans.

« Es-tu actif avec elle ?

— Ouais, un peu. »

— Est-ce que c’est elle sur la photo ?

— Oui. »

Le prédateur envoie une image de caméra en direct qui montre l’enfant, habillée, debout dans un salon. Il partage aussi des photos d’elle nue.

Le 17 janvier, le lieutenant-détective Sewall contacte le service de messagerie Kik pour obtenir d’urgence les informations associées à l’utilisateur. Il veut vérifier où se trouve le prédateur. La réponse n’arrive que deux jours plus tard. Elle contient plusieurs détails, dont une adresse courriel (Gmail), un fournisseur internet (Vidéotron), une marque de téléphone (Samsung Galaxy) et la confirmation du pays d’origine, le Canada.

Michael Sewall alerte le FBI.