Montréal n’a pas le monopole des frasques d’usagers dans les bibliothèques. La Presse a pu consulter le répertoire des appels faits de la bibliothèque Claude-Henri-Grignon au Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL). La liste des incivilités et infractions dans la dernière année est longue : méfaits, vols, nuisance publique, etc. Le SPAL a reçu 24 appels en 2023 et 17 en 2022, dont l’un après une tentative de suicide.

La présence d’une halte pour personnes en situation précaire ou d’itinérance de l’autre côté de la rue Bourassa complexifie les interactions entre les employés de la bibliothèque et les citoyens qui y trouvent refuge, en quête d’une toilette, de l’internet ou d’un peu de chaleur par temps froid ou pluvieux.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La bibliothèque Claude-Henri-Grignon, à Longueuil

« C’est sûr que c’est une situation particulière et on a mis en place plusieurs mesures, explique Olivier Barrette, chef du bureau de la culture et des bibliothèques à la Ville de Longueuil. On est en lien avec le centre en face, avec les organismes en itinérance, avec les policiers RESO [Réseau d’entraide sociale et organisationnelle]. Il y a aussi la Table itinérance Rive-Sud qui se rend sur place chaque semaine. »

Les employés des bibliothèques Claude-Henri-Grignon et George-Dor ont reçu des formations spécifiques pour mieux comprendre les enjeux liés à l’itinérance.

Depuis le début du mois d’octobre, là comme dans un nombre croissant de bibliothèques, des agents de sécurité font le guet. La satisfaction de toutes les clientèles est un « défi », admet M. Barrette.

On veut être inclusif, tout en permettant à notre clientèle régulière de se sentir en sécurité.

Olivier Barrette, chef du bureau de la culture et des bibliothèques à la Ville de Longueuil

Au-delà des enjeux d’itinérance, les bibliothécaires du réseau de Longueuil constatent une pénurie de patience dans l’ensemble du réseau de la Ville, selon le chef du bureau de la culture et des bibliothèques.

Un constat généralisé

À Saint-Jean-sur-Richelieu, Laval, Gatineau, Val-d’Or ou bien Saguenay, des employés de bibliothèques publiques rapportent aussi un climat de travail de plus en plus tendu, souligne Simon Beaulieu, conseiller au Syndicat canadien de la fonction publique.

« Dans les quatre succursales de Saguenay – Chicoutimi, Jonquière, Arvida et La Baie –, depuis environ un an, les employés remarquent une hausse des incivilités », atteste le porte-parole de la Ville, Dominic Arseneau.

Ça touche surtout les femmes, malheureusement ; des insultes de truies et de vaches, c’est chaque semaine. On est tannés.

Dominic Arseneau, porte-parole de la Ville de Saguenay

La Ville a privilégié une campagne d’affichage ludique pour sensibiliser les usagers.

DESSIN DE TANIA FORTIN, PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE SAGUENAY

Campagne d’affichage pour inciter au respect dans les bibliothèques de Saguenay

« On ne voulait pas être trop agressifs dans le message, mais on veut vraiment rappeler qu’il faut que ça arrête. Il n’y a aucune justification pour insulter une bibliothécaire parce qu’un roman n’est pas disponible. Un petit problème au compte peut virer en foire d’empoigne. »

Les écarts de conduite ne sont pas l’apanage d’une population en particulier, s’entendent nos interlocuteurs. « On parle de monsieur et madame Tout-le-Monde, assure M. Arseneau. Oui, il y a des enjeux d’itinérance à Chicoutimi, mais c’est un autre sujet. »