Juin, juillet, août sont les mois les plus doux. Septembre est gentil aussi, mais on a moins le temps de s’occuper de lui. Octobre, c’est le grand départ du beau temps. Il fait ses valises. Il ouvre la porte. Une bourrasque l’emporte. Les feuilles rougissent et les arbres se dénudent.

Puis arrive novembre, le gris et brun et froid novembre. On a juste hâte qu’il s’en aille. Au plus vite. Mais il reste là. Au plus lent. Même début décembre, c’est encore novembre. Rien ne change. Ça prend la neige. Et la neige ne vient pas. Même ceux qui n’aiment pas la neige se mettent à l’espérer. À chanter Bing Crosby. « Je rêve d’un Noël blanc. »

Janvier, c’est janvier. Frette et enneigé. Les skieurs font du ski, les autres font ski peuvent. Ils pellettent l’entrée pour s’en sortir. Il fait noir et ce n’est même pas le soir. On commence à avoir la mèche courte. Ça tombe mal, faut s’éclairer.

Février, y a rien à voir et rien à boire. Le mois le plus court, cent fois plus long que tous les mois d’été ensemble. On a hâte d’enlever ses bottes pour prendre son pied.

Et voilà que mars débarque. Ou que l’on débarque sur mars. Après un interminable voyage. On est tellement prêts à changer de décor. Enfin ! Donnez-nous du bleu, du vert et de la lumière.

Et alors ? Et alors, ils annoncent 10 centimètres de neige pour demain. Ben, pour demain pour moi. Vous, vous devriez être dedans. Ou dessous. Si les météorologues ne se sont pas trompés, bien sûr. Ça leur arrive. Heureusement. Les météorologues sont les seules personnes qui peuvent nous tromper et qu’on en est ravis.

Souvenez-vous, le jeudi 23 février, on prévoyait une grosse tempête à Montréal. On nous recommandait d’annuler nos déplacements. Des écoles ont décidé de fermer. Des rendez-vous ont été remis. Et puis, il est tombé deux, trois grains. La bombe météorologique est devenue un pétard mouillé. Les routes étaient belles et dégagées. La dépression avait bifurqué. La nôtre aussi. Tant mieux.

De toute façon, on était toujours en février. Si la perturbation nous avait perturbés, notre moral l’aurait supporté. C’est à partir de maintenant que c’est dangereux pour notre équilibre mental. De la neige en ville, on en a eu assez.

Si aujourd’hui les experts ont raison, allons-nous perdre la nôtre ? Quand tombera le flocon de trop ? Le flocon qui nous fera déborder. Celui qui nous fera craquer.

Surtout que durant les prochains jours, on va croiser plein de compatriotes bronzés. Des compatriotes qui ont triché. Qui sont allés relâcher en République ou au Mexique.

C’est très dérangeant pour un quidam qui vit en bas de zéro et rarement plus haut, depuis novembre, d’être confronté à quelqu’un qui revient d’une semaine à 30 degrés. Surtout que ces gens-là sont rarement discrets. Au prix que leur séjour dans le Sud leur a coûté, ils veulent le montrer qu’ils y sont allés. Ils s’empressent, aussitôt atterris, d’aller à l’épicerie en chemise fleurie. Ils attendent l’autobus en chantant Haut les mains. Ils arrivent au bureau en montrant leurs photos, pour être certains que vous les voyiez, même si vous vous êtes désabonné de leurs réseaux.

Ne soyez pas trop frustré. C’est vrai qu’ils ont coupé l’hiver en deux, mais leurs corps se sont habitués à la chaleur et au sable. On s’habitue rapidement au bonheur. Ils n’en seront que plus choqués par le froid et le blizzard retrouvés.

Tous autant que nous sommes, comment survivre à un mois de mars rigoureux, quand notre résistance est épuisée ?

Il faut puiser dans notre vécu. Se rappeler qu’on a vaincu bien pire. Rappelez-vous mars 2020, le commencement de la fin. Et mars 2021 n’était guère mieux. Mars 2022, c’était le début de la fin. On sortait le bout du nez de notre masque, mais on était encore ébranlés.

On peut donc être certain que mars 2023, peu importe le temps qu’il fait et qu’il fera, sera le meilleur mois de mars depuis un bail.

Pensez-y en déneigeant les marches de l’escalier.

Surtout, ne songez pas à mars 2012, le printemps érable, il faisait 30 degrés…