Les délais en regroupement familial, déjà deux fois plus longs qu’ailleurs au Canada, pourraient encore s’allonger au Québec parce que le nombre d’immigrants économiques augmente pendant que le nombre de places pour la réunification est plafonné.

Quels sont les nouveaux seuils d’immigration ?

Le gouvernement Legault a fixé le seuil à 50 000 immigrants permanents pour 2024 et 2025. Toutefois, il ajoute à ce nombre les étudiants étrangers francophones sélectionnés dans le cadre du Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Pour 2024, le gouvernement prévoit accueillir 6500 étudiants étrangers issus du PEQ. À ce total de 56 500 s’ajoutera un « écoulement des demandes en traitement des gens d’affaires » oscillant entre 5400 et 6600 admissions. Le total d’immigrants permanents pourrait donc grimper à 63 100 l’an prochain. Mais les quotas en réunification familiale vont rester fixes, à 10 400, par année.

IMAGE FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION, DE LA FRANCISATION ET DE L’INTÉGRATION DU QUÉBEC

Admissions projetées pour les années 2024 et 2025, sans compter les étudiants diplômés admis dans le cadre du PEQ

Quel est l’impact de la hausse des admissions ?

Cela crée un effet de vases communicants, car plus d’immigrants, en général plus jeunes, cela implique nécessairement des familles, des conjoints, des enfants, présents ou futurs. Cet aspect a été souligné lors de la commission parlementaire sur la planification de l’immigration, qui a eu lieu en septembre et octobre, notamment par l’Institut du Québec : « Toute hausse du seuil d’immigration économique aura un impact indéniable sur les demandes de regroupement familial, car une part de ces nouveaux résidents permanents voudront faire venir leurs conjoints, enfants ou parents. […] Faire abstraction des réalités familiales pourrait avoir pour effet de rendre le processus d’intégration moins harmonieux ou pire encore, d’inciter les immigrants à choisir une juridiction moins contraignante. »

Les règles sont-elles adaptées à l’ère de l’amour en un clic ?

Non. Les personnes en attente d’un parrainage, cela « peut devenir le cas de plusieurs Québécois », rappelle Nathalie Coursin, membre du regroupement Québec réunifié. « Avec les voyages et la technologie pour trouver l’amour en un clic, les gens ne sont pas à l’abri de devoir faire un parrainage pour vivre avec leur conjoint, précise-t-elle. La discussion se posera alors : on vit chez toi ou chez moi ? Si le Québec est le choix de la destination, ce sera donc plus de deux ans d’attente avant la réalisation du projet, avec des voyages entre les deux pays. » Il faut rappeler que la réunification des familles repose sur du parrainage : le parrain joue le rôle de garant et s’engage pour trois ans à s’occuper financièrement du nouvel immigrant. Lors de la commission parlementaire, Québec réunifié a réclamé le « traitement prioritaire et immédiat des demandes actuelles qui détiennent déjà un CSQ [certificat de sélection du Québec] », ainsi que « la mise en place d’un seuil raisonnable pour permettre de traiter les futures demandes dans un délai de 12 mois ».

Quelle proportion représente la réunification familiale dans l’ensemble de l’immigration ?

L’immigration permanente est composée de trois grandes catégories : l’immigration économique, le regroupement familial et les réfugiés. La proportion des immigrants économiques, qui représentait 57 % du total en 2018 et 2019, avant la pandémie, est passée à environ 64 % en 2022 et 2023. Et la catégorie du regroupement familial, de 24 % à environ 20 %.

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Évolution (en %) de la proportion des personnes immigrantes admises selon la catégorie d’immigration, dans l’ensemble de l’immigration, 2011 à 2022.

Combien de personnes pourront être parrainées au Québec d’ici la fin de l’année ?

En octobre, il restait 1595 places pour atteindre le quota de 10 500 dans cette catégorie, qui comprend les conjoints, les enfants, les membres de la famille élargie, les parents et les grands-parents. Le nombre de personnes admises en regroupement familial au Québec diminue de mois en mois, selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Il était d’environ 1300 par mois au premier trimestre, autour de 1000 au deuxième, et de 700 au troisième. « Les gens attendent deux à trois ans en réunification familiale juste pour pouvoir se faire accepter dans les seuils du Québec, commente Claire Launay, de l’organisme Le Québec, c’est nous aussi. Visiblement, le gouvernement du Québec n’a pas cette priorité en tête. »