Pour la première fois, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, laisse la porte ouverte à l'idée d'étaler sur une plus longue période la hausse des droits de scolarité.

Ce revirement est survenu lundi, quelques heures avant le début d'une toute première rencontre avec les associations étudiantes, y compris la CLASSE, en fin d'après-midi. L'enjeu des droits de scolarité est sur la table, alors que Québec refusait jusqu'à maintenant qu'il le soit. Les discussions étaient toujours en cours au moment de mettre en ligne.

Line Beauchamp a accepté de rencontrer les associations à la condition qu'elles observent une trêve de 48 heures sur les «actions de perturbation économique et sociale». Les fédérations étudiantes universitaire et collégiale, la FEUQ et la FECQ, ont acquiescé à sa demande. La Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) accepte aussi la condition, mais elle se défend de le faire pour satisfaire la ministre. C'est simplement parce qu'aucune «action de perturbation» n'était prévue lundi ou mardi, a expliqué son porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois.

En conférence de presse, Line Beauchamp a donné l'impression de se ménager une marge de manoeuvre en vue des discussions. Elle n'a pas exclu un étalement de la hausse des droits de scolarité sur plus de cinq ans. «Je ne commencerai pas ici à mener des discussions par les médias», a-t-elle répondu lorsqu'un journaliste l'a questionnée sur cette option.

Or, la ministre avait toujours écarté un étalement jusqu'ici. Elle martelait que le gouvernement entend maintenir la hausse de 325$ par année pendant cinq ans - un bond de 75%.

Lundi, la ministre a assuré que le gouvernement «est ferme sur cette question de la hausse des droits de scolarité». Mais elle n'a pas repris les chiffres annoncés.

«Je plaide ici pour que le climat de discussion soit le bon [...]. Et laissez-nous mener des discussions dans ce contexte. Mais le gouvernement a l'intention de hausser les droits de scolarité», s'est-elle contentée de dire.

Elle permettra aux associations de «soulever» la question des droits de scolarité et de présenter leurs arguments en faveur d'un gel. Il n'y a pas si longtemps, elle refusait que le sujet soit même abordé. «L'idée ici n'est pas de fermer la porte, l'idée, c'est d'ouvrir la porte», a-t-elle dit.

La ministre maintient toutefois que le «bon sujet de débat», ce sont «les différents moyens pour assurer l'accessibilité aux études». Elle veut discuter en particulier du régime de prêts et bourses et de la gestion des universités.

Changement de ton

La FEUQ et la FECQ entendent demander un gel. Mais elles semblent prêtes à accepter une hausse qui serait inférieure à celle annoncée. Une éventuelle proposition du gouvernement «doit toucher à la question des droits de scolarité [...]. Évidemment, il va falloir que ce soit quelque chose de notable», s'est limitée à dire la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins. Elle se rend à la table des discussions avec «bonne foi et ouverture».

Le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin, constate que le gouvernement change de ton sur les droits de scolarité. Gabriel Nadeau-Dubois observe quant à lui que la ministre a «ouvert la porte plus que jamais».

Line Beauchamp se donne «un horizon de 48 heures» pour dénouer la crise. «Nous ne sommes pas dans un contexte où on a des semaines ou toute la semaine», a-t-elle affirmé au moment où le trimestre est en péril. La grève en est à sa 11e semaine dans certains établissements.

La FEUQ et la FECQ trouvent que la ministre est «pressée». Elles veulent «prendre le temps qu'il faut» pour trouver une solution.

Line Beauchamp a demandé une trêve en raison de la résolution «ambiguë» adoptée par la CLASSE dimanche. Selon cette résolution, l'organisation condamne «la violence physique délibérée contre des personnes». Mais elle «défend activement le principe de désobéissance civile». Cela implique «le non-respect des lois», a dit Line Beauchamp. «Je ne crois pas que ce soit responsable. Il est temps de choisir: c'est le camp de la solution ou c'est le camp de la perturbation [...]. Il faut instaurer un bon climat de discussion.»

La trêve concerne les actions «qui empêchent des travailleurs d'avoir accès à leurs bureaux et des citoyens de circuler en toute sécurité» - comme le blocage d'un pont ou la perturbation du métro. Les associations ne doivent pas voter de nouveaux mandats de grève dans les établissements où il n'y a pas de «boycott des cours». En échange, la ministre demande aux universités et aux cégeps touchés par un «boycott» de ne pas reprendre les cours même s'ils obtiennent une injonction. Elle souhaite le «statu quo» durant les discussions.

La reconduction des mandats de grève se fera jusqu'à ce que la ministre présente une offre formelle, a indiqué Gabriel Nadeau-Dubois.

- Avec Paul Journet