Pauline Marois est prise entre deux feux après avoir ouvert la porte à une alliance avec Québec solidaire (QS).

Partisan d'un tel pacte, le député Bernard Drainville s'est empressé d'appuyer sa chef hier et d'inviter Gilles Duceppe à travailler avec elle à faire l'unité du mouvement souverainiste. Mais ses collègues Yves-François Blanchet et Sylvain Gaudreault croient que le PQ serait perdant en concluant une alliance avec QS.

Une collision est à prévoir sur ce sujet lors de la réunion du caucus des députés puis au conseil national du parti la semaine prochaine.

Au moment où l'ex-chef bloquiste Gilles Duceppe teste ses appuis pour prendre la tête du PQ, Bernard Drainville l'a invité à «faire sa part pour l'unité» du mouvement souverainiste. «Je pense que la meilleure façon pour M. Duceppe d'unir le camp souverainiste, c'est de venir nous rejoindre au Parti québécois, sous le leadership de Mme Marois», a-t-il affirmé lors d'un point de presse.

Questionné pour savoir s'il appuie «solidement» Mme Marois, il a répondu: «Absolument». «Je pense que Mme Marois a tout ce qu'il faut pour faire l'unité du mouvement souverainiste. Et elle a manifesté une volonté de la faire», a-t-il ajouté.

Vous n'avez aucune visée sur le leadership? lui a demandé un journaliste. «Je dis que ma priorité est l'alliance (des forces souverainistes) et que Mme Marois est très bien placée pour la faire». «Je vais être derrière elle pour que tous ensemble on puisse s'unir», a-t-il poursuivi.

Cette alliance est «nécessaire» à ses yeux. Elle «peut permettre de gagner la prochaine élection et de faire avancer la souveraineté».

Mais des proches de Pauline Marois ne sont pas du même avis. «C'était une bonne idée de tester le terrain. Maintenant que c'est fait, après réflexion, je suis contre les alliances. On risquerait de perdre plus de votes que d'en gagner en s'associant avec QS. Ça avantagerait la CAQ», a indiqué le député Yves-François Blanchet. Même son de cloche de Sylvain Gaudreault, aure fidèle de la chef. «Je suis contre. On va convaincre les électeurs par des idées, pas par des pactes ou des stratégies», estime le député de Jonquière.

En novembre dernier, Mme Marois a mandaté Jean-François Lisée, son conseiller occasionnel, pour rencontrer QS. Il devait vérifier si le parti de gauche était intéressé à conclure des alliances aux prochaines élections. Françoise David, présidente de QS, a dit que ses membres n'étaient pas en faveur. Elle a néanmoins assuré qu'elle leur soumettrait toute proposition officielle du PQ. Il n'y en a pas encore eu.

Mercredi, Mme Marois disait être en «analyse». La veille, son attachée de presse affirmait toutefois qu'elle s'opposait aux alliances préconisées par Bernard Drainville.

Jean-François Lisée a critiqué les manoeuvres de déstabilisation de Gilles Duceppe hier. Le président du PQ, Raymond Archambault, «trouve ça de valeur» que l'ex-chef bloquiste cherche à détrôner Mme Marois. Il regrette que M. Duceppe ait décliné l'offre de la chef de présider un nouveau comité sur la souveraineté.

De son côté, le député Stéphane Bergeron n'a pas voulu donner un appui clair à Pauline Marois. Selon cet ancien député du Bloc québécois, «c'est à Pauline Marois de déterminer si elle a la marge de manoeuvre requise pour continuer son travail. (...) Si elle décide de rester, on va composer avec le fait qu'elle reste. Et si elle décide de partir, nous devrons composer avec le fait qu'elle décide de partir».

En Montérégie, mercredi soir, la réunion des associations péquistes a donné lieu à des échanges musclés en toute fin de séance sur le leadership de Mme Marois. Des 14 comtés présents, quatre seulement se sont ouvertement portés à sa défense: Richelieu (Sylvain Simard), Taillon (Marie Malavoy), Chambly (Bertrand St-Arnaud) et La Pinière (qui n'a pas envoyé de député péquiste à l'Assemblée nationale). Des associations ont soutenu que Mme Marois devrait passer la main, et d'autres n'ont pas pris position clairement.

Les députés présents ne sont pas prononcés sur cette question délicate. Même des élus favorables au départ de Mme Marois, comme Guy Leclair, de Beauharnois, se sont tenus à carreau. Bernard Drainville, député de Marie-Victorin, brillait par son absence, et les représentants de son exécutif n'ont pas pris position. Le président Jacques Séminaro s'est toutefois dit «derrière la chef» lors d'un entretien avec La Presse jeudi. «On n'est pas de ceux qui tripotent à gauche et à droite», a-t-il ajouté. Quant à M. Drainville, ses sorties récentes «ont été interprétées comme du tripotage» contre la chef mais «c'était plus un cri du coeur», a-t-il ajouté.

Le PQ Montérégie n'a pas jugé opportun de finir la réunion par un vote pour exprimer sa confiance en Mme Marois. Mais l'association régionale de la Mauricie, qui regroupe cinq circonscriptions, a voté à l'unanimité une proposition pour donner son appui à la chef. Son président, Claude Lessard, avait pourtant réclamé sa tête l'automne dernier. «Moi, j'ai déjà donné, et j'ai assez donné. Là, je transmets tout simplement la positon de l'exécutif régional», a-t-il affirmé. Il presse les députés et Mme Marois de «régler les problèmes actuels» parce que «les gens sont écoeurés».