La scène ressemble à un véritable charnier. Des dizaines de carpes moribondes et puantes flottent à la surface d'un ruisseau dans un champ d'Henryville, en Montérégie. Deux vautours survolent le point d'eau, impatients d'entamer leur festin.

Les inondations qui ont touché une vingtaine de municipalités de la vallée du Richelieu au cours des dernières semaines ont poussé des milliers de poissons dans les terres submergées. Maintenant que l'eau se retire, les bêtes, dont certaines mesurent près de 1 m, sont prises au piège et meurent à petit feu sous le regard impuissant des citoyens.

La semaine dernière, André Bergeron a tenté de sauver des poissons qui mouraient dans les champs derrière chez lui. «J'en ai sauvé 128. Mais c'était plus symbolique qu'autre chose parce qu'il y a des carpes partout, raconte-t-il. Pendant que j'en attrapais une, des dizaines me passaient entre les jambes.»

M. Bergeron a emmené La Presse dans le champ, à 500 m de la rivière Richelieu. La scène est troublante. Partout, des carcasses de poissons jonchent les rives des ruisseaux. Les mouches pullulent. Plusieurs carpes flottent sur le côté et tentent de capter un peu d'oxygène. Les bêtes sont immenses. M. Bergeron a tenté sous nos yeux de dégager un spécimen qui mesurait près de 1 m.

À un endroit, il y a si peu d'eau que les carpes sont alignées sans bouger. Quand on s'approche, elles frétillent un peu et tentent d'avancer. Sans succès. Un peu plus loin, un petit bassin contient une vingtaine de carpes mortes qui flottent à la surface. L'odeur est infecte. «Méchante soupe!», s'exclame M. Bergeron.

Les urubus survolent le champ sans relâche, tandis que des renards viennent aussi chercher leur part du festin. «Ils vont avoir de quoi se nourrir pendant un bon petit bout», remarque M. Bergeron.

Difficile de savoir combien de carpes agonisent dans les champs. «Il y en a peut-être 1000. Mais ça, c'est juste ici. Beaucoup de terres ont été inondées le long du Richelieu», note M. Bergeron.

Très peu d'information circule sur les démarches à entreprendre pour se débarrasser des carpes agonisantes ou mortes. «On fait quoi? On tente de les remettre dans la rivière? Mais si elles sont contaminées, on ne devrait peut-être pas? Ce n'est pas évident...»

Au ministère de la Faune, on demande aux citoyens qui ont des carpes vivantes prises au piège sur leur terrain d'appeler au 1-866-786-8441. «Le Ministère pourra voir s'il peut les enlever, dans la mesure de ses moyens», dit la porte-parole Line Caron. Elle précise que ce n'est pas pour préserver les carpes que le Ministère souhaite les ramasser. «C'est plutôt une question de salubrité», dit-elle.

Le Ministère ne ramassera toutefois pas les poissons morts; ce sont les municipalités qui s'en chargeront.

M. Bergeron estime qu'il est urgent que les poissons soient ramassés. Car l'eau baisse de façon constante depuis quelques jours. Les carpes ont de moins en moins d'eau pour survivre. «Si on les laisse là, ça va dégager une méchante odeur très bientôt!», dit-il.