Nonobstant l'opinion publique, le Canada doit rester en Afghanistan, parce qu'il a l'obligation internationale de contribuer à faire de ce pays un endroit plus sûr, a soutenu le critique libéral en affaires étrangères, Bob Rae, justifiant ainsi l'appui de son parti à la décision controversée du gouvernement conservateur de prolonger la mission des militaires canadiens.

Jugeant que le premier ministre Stephen Harper a renié «deux promesses faites à la population», le Bloc québécois a forcé la tenue d'un débat, hier à la Chambre des communes, condamnant la décision du gouvernement «de prolonger unilatéralement la mission canadienne en Afghanistan jusqu'en 2014».

Le Bloc et le NPD de Jack Layton considèrent que le gouvernement est tenu, en vertu d'une motion adoptée en mars 2008 aux Communes, de faire voter les parlementaires avant d'approuver tout déploiement de militaires canadiens à l'étranger, ce que contestent M. Harper et ses ministres, jugeant que ce n'est pas nécessaire lorsqu'il ne s'agit pas d'une mission de combat.

À la mi-novembre, le premier ministre a confirmé que près de 1000 militaires canadiens resteraient en Afghanistan après la date de retrait prévu, en juillet 2011, afin de participer à une mission de formation de l'armée afghane.

La motion du Bloc forcera les parlementaires à voter, donc, mardi prochain, sur la prolongation de la mission, mais l'issue du scrutin est déjà connue: les libéraux de Michael Ignatieff ont déjà fait savoir qu'ils appuieraient la mission, soulevant la grogne des deux autres partis de l'opposition.

«Ce n'est pas facile, parce que nous sommes tous des politiciens et nous connaissons l'opinion de la population sur cette question. Les gens me disent que c'est assez, que nos troupes ont été là assez longtemps et que c'est le moment de les faire revenir au Canada, a expliqué hier le député libéral Bob Rae. Mais ce qui pose problème, à mon avis, c'est que je vois un monde où le Canada n'a pas le choix de s'engager, pour éliminer les sources de violence dans le monde, éliminer le potentiel d'un grand nombre de décès et même éliminer la possibilité de conséquences encore pires que celles qui existent.»

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a renchéri en soulignant que cette nouvelle mission de formation répondait à l'engagement du Canada envers l'Afghanistan, la communauté internationale et les partenaires de l'OTAN.

Pour les bloquistes, qui ont lancé le débat, il est impossible de garantir que les militaires canadiens ne se retrouveront pas dans des situations de combat, puisqu'il s'agit d'une zone de guerre. La décision du gouvernement de réduire l'aide au développement a aussi été largement critiquée.

«Est-ce que je suis satisfait de l'enveloppe d'aide? Non. Est-ce que je suis satisfait des efforts faits dans les domaines de la paix et de la diplomatie? Non. Mais ça ne change rien au fait que je pense qu'il faut avoir la flexibilité de répondre aux besoins de l'Afghanistan et de nos partenaires de l'OTAN», s'est défendu Bob Rae, prenant, à mots couverts, la responsabilité de cette prise de position de son parti, ajoutant que le sujet devait dépasser l'esprit partisan.

Les libéraux ont tenté au cours des derniers jours de montrer un front uni, après que des reportages eurent fait état de dissensions au sein du caucus de députés sur cet enjeu.

D'ailleurs, la veille, au comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, l'ex-chef du Parti libéral, Stéphane Dion, a émis plusieurs réserves quant à la nécessité de former les soldats de l'armée afghane, rappelant notamment que ce sont ces mêmes Afghans qui ont défait les forces armées de l'Union soviétique dans les années 80.

De même, le porte-parole du NPD en matière de défense nationale, Jack Harris, a soulevé «l'ironie» de voir le gouvernement canadien refuser d'aider financièrement le gouvernement d'Hamid Karzaï, jugé trop corrompu, mais être prêt à former ses soldats.

«On ne fait absolument pas confiance au gouvernement afghan, mais on va lui fournir une armée super bien formée et lui en laisser le plein contrôle quand on va quitter en 2014, a souligné M. Harris. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.»