Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir. * * *



(Saint-Jérôme) Si Guy Turcotte avait bu de l'alcool consommable plutôt que du lave-glace, le soir où il a tué ses enfants, il aurait eu à ingurgiter 1 ou 2 bouteilles de vin, ou de 5 à 10 bières, ou de 8 à 15 verres de spiritueux pour arriver au même degré d'intoxication. Et cela de manière «très rapide», entre 20 h et 22 h.

C'est l'un des scénarios que l'expert en pharmacologie Louis Léonard a soumis au jury, mardi, au procès de M. Turcotte. M. Léonard a obtenu cette donnée en faisant des «rétrocalculs» avec le taux de méthanol que M. Turcotte avait dans le sang à 12h27, le 21 février 2009. Le méthanol est le produit toxique contenu dans le lave-glace. M. Turcotte venait d'être admis aux urgences de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme lorsqu'on lui a fait cette prise de sang. L'analyse a démontré que son taux de méthanol était de 310 mg par 100 ml de sang. Cette concentration aurait assurément entraîné la mort de M. Turcotte s'il n'avait pas reçu de soins.

Dans son témoignage, M. Turcotte a affirmé qu'il ne savait pas quelle quantité de lave-glace il avait ingurgitée ni à quelle heure il l'avait fait. Il pense avoir bu le poison avant de tuer ses enfants puisqu'il soutient qu'il se revoit en train de mourir empoisonné et de réaliser que ses enfants le trouveraient mort. C'est alors qu'il aurait décidé de les emmener avec lui. Il en a peut-être bu après aussi puisque du sang est apparent sur le bidon de lave-glace retrouvé dans une des salles de bains, à l'étage.

Au début du procès, au moins trois témoins qui se sont occupés de M. Turcotte aux urgences de l'Hôtel-Dieu, le 21 février, ont affirmé l'avoir entendu dire qu'il avait consommé 2 L de lave-glace à 20 h la veille. Il a aussi dit qu'il avait tué ses enfants à 20 h.

Dépresseur

Le méthanol agit comme un dépresseur sur le système nerveux central, mais son effet serait de deux à trois fois moindre que celui de l'alcool consommable, selon M. Léonard. Anne-Marie Faucher, toxicologue judiciaire qui a témoigné pour la Couronne, avait elle aussi parlé de l'effet moindre du méthanol comparé à l'éthanol (alcool consommable), mais elle n'avait pas quantifié cette différence.

Quoi qu'il en soit, M. Léonard a fait des calculs en tenant compte d'un taux d'élimination du méthanol de 2 mg à l'heure, ainsi que de 8,5 mg à l'heure. Il a ensuite transposé ces données en alcool consommable, pour donner au jury une idée du taux d'intoxication de M. Turcotte. Mais tout cela reste dans le domaine des hypothèses.

Depuis le début du témoignage de M. Léonard, vendredi dernier, le jury évolue dans les laborieux méandres de la chimie et de la neurochimie. Au milieu de l'après-midi, mardi, Me Pierre Poupart, avocat de l'accusé, a déclaré qu'il n'avait plus de questions pour son témoin. La procureure de la Couronne Claudia Carbonneau a commencé à poser les siennes, mais elle a rapidement demandé un ajournement. Elle continuera son contre-interrogatoire ce matin.