Deux enquêteurs de la police de Kingston se sont relayés auprès d'Hamed Shafia pendant quatre heures après son arrestation, le 22 juillet 2009, pour tenter d'obtenir ses aveux en lien avec les meurtres allégués de ses trois soeurs et la première épouse de son père. Mais le jeune homme est resté sur ses positions, tout en tentant de protéger ses parents, particulièrement sa mère.

«Vous dites que je suis impliqué, que la Lexus était là, mais en quoi ça concerne ma mère et mon père?», a-t-il demandé à un certain moment.

Hamed, 19 ans, a été arrêté à Montréal le matin du 22 juillet 2009, en même temps que sa mère, Tooba, et son père, Mohammad. Le trio a été amené à Kingston, le jour même. L'interrogatoire d'Hamed a commencé à 23h25, pour se terminer à 3h25. Le premier enquêteur a tenté une approche douce et assez passive, du moins au début, pour ensuite se montrer plus insistant. L'autre enquêteur, Michael Boyle, qui a pris le relais vers deux heures du matin, s'est montré beaucoup plus incisif. Dès le début, l'homme de carrure imposante a approché sa chaise du garçon, pour le questionner. Ce dernier avait souvent la tête basse, et ne regardait pas l'enquêteur dans les yeux. Après lui avoir rappelé des éléments de preuve trouvés, l'enquêteur a dit au garçon: «Tu as tué tes trois soeurs, regarde-moi. Ta mère a parlé pendant cinq heures à la police. Elle a pris la bonne décision. Elle nous a dit que vous étiez les trois à l'écluse, toi, ton père et elle.

L'enquêteur a fait valoir au garçon qu'il était peut-être une victime dans cette affaire, dans le sens où il aurait été contraint par son père. «Ton père a un problème. Les gens savent ce qu'il a fait. Ce n'est pas une décision rationnelle... A-t-il décidé de faire quelque chose pour son honneur, car il sentait que sa famille et ses traditions n'étaient pas respectées?», a-t-il demandé en faisant allusion à la noyade de ses soeurs Zainab, Sahar, Geeti et de la première épouse de son père, Rona.

«Je n'aurais pas embarqué», a répondu Hamed, qui a assuré que ces décès l'affectaient beaucoup. À un certain moment, il a insisté pour regarder les photos de ces soeurs mortes, que l'enquêteur avait en mains.  Les photos avaient été prises une fois que les corps avaient été sortis de la Nissan. «Il en manque une», est intervenu Hamed, tout en continuant de regarder les photos. L'enquêteur a admis qu'il n'avait pas celle de Geeti.

L'enquêteur a également raconté qu'il y avait un témoin oculaire. La nuit du drame, un voisin de l'écluse aurait vu deux voitures sur les lieux. L'une de petit modèle, avait les phares éteints. Une autre de plus gros modèle avait ses phares allumés. Il y a eu un gros splash dans l'eau, aurait raconté le témoin. «Je te dis la vérité, et tu ne l'acceptes pas», de poursuivre l'enquêteur.

Vers la fin, Hamed a regardé un bout de l'interrogatoire que sa mère venait de subir avec un autre enquêteur. Elle avouait qu'elle, son fils et son mari étaient sur les lieux lorsque la Nissan était tombée à l'eau. Mais cela n'a pas incité Hamed à parler. «Je veux m'en aller d'ici. Je veux aller à l'endroit où vous me détenez. Vous parlerez avec l'avocat.»

Rappelons que les quatre femmes ont été trouvées dans une Nissan au fond de l'écluse de Kingston Mills le matin du 30 juin 2009. La famille de dix, trois adultes et sept enfants, revenait d'un voyage à Niagara Falls, quand le drame est survenu. La Couronne allègue que les quatre femmes ont été exécutées pour une question «d'honneur.»

Le procès se poursuit cet après-midi.