Le ministère des Transports du Québec (MTQ) implantera désormais, de façon systématique, des mesures pour favoriser les déplacements des personnes en transports en commun dans tous les futurs projets routiers qui seront conçus et développés à Montréal et dans les villes de banlieue.

Cette nouvelle approche des problèmes de mobilité découle du nouveau plan de développement à long terme que le MTQ est en train de concevoir pour la région métropolitaine, affirme le sous-ministre adjoint par intérim responsable de la métropole, M. Jacques Filion, dans une entrevue accordée à La Presse.

Pour le MTQ, assure M. Filion, le Plan de gestion des déplacements de la région métropolitaine de Montréal (PGDM) est, désormais, une relique du passé. Dix ans après sa parution en avril 2000, des politiques gouvernementales et des changements de cap, au sein du ministère, ont eu pour conséquence que les orientations du PGDM ne sont plus adaptées aux problèmes de transport actuels de Montréal et de la région métropolitaine.

Au début des années 2000, a rappelé M. Filion, on parlait peu des gaz à effet de serre mis en cause dans les changements climatiques, qui proviennent en grande partie (40% au Québec) de la circulation automobile. Il n'y avait pas, non plus, de politique de développement des transports collectifs et actifs, ni de priorité accordée au maintien des infrastructures existantes.

L'échangeur Turcot ne tombait pas en ruines. Et les transports collectifs n'avaient pas encore pris l'importance qu'ils ont, aujourd'hui, dans la gestion de la mobilité urbaine.

«Tous ces changements ont amené le ministère à modifier son approche dans un grand nombre de dossiers, affirme M. Filion. Aujourd'hui, si nous avons le choix entre augmenter la capacité routière, dans un axe donné, et donner plus de place aux transports en commun, nous allons favoriser les transports en commun».

«La solution aux problèmes de congestion doit passer davantage par les transports collectifs», a expliqué le haut fonctionnaire, pour expliquer l'approche qui sera préconisée dans le futur Plan de la mobilité durable, prévu pour 2012.

Des projets restés en plan

M. Filion refuse toutefois de critiquer ouvertement le PGDM. Plusieurs des grands chantiers routiers ou des projets de développement des infrastructures de transports collectifs qui y étaient prévus ne se sont pas réalisés, 10 ans plus tard, tels que le projet de modernisation de la rue Notre-Dame et les prolongements du métro dans l'est de Montréal et à Longueuil.

«Les projets qui étaient inscrits au PGDM, dit-il, n'étaient pas tous dans le même état d'avancement. Certains de ces projets n'étaient encore que des idées alors que d'autres étaient en planification depuis plusieurs années.»

Les grands projets, fait-il remarquer, sont très complexes. Ils sont réalisés dans des milieux fortement bâtis, parfois très denses, et souvent sensibles. Leur aménagement peut avoir des impacts indésirables imprévus sur des populations riveraines. Ils doivent être élaborés en tenant compte de ces impacts. Ils doivent aussi être «attachés» dans leur milieu d'accueil.

«Il faut souvent que ces projets mûrissent, avant d'être réalisés, dit-il. Cela peut prendre du temps. Le fait que des projets du PGDM n'ont pas été réalisés, à ce jour, ne veut pas dire qu'ils ne seront pas réalisés dans l'avenir. Des études et des consultations ont été faites sur ces projets au cours des dernières années, et les connaissances acquises pourront servir dans le cadre du prochain plan sur la mobilité durable».

À titre d'exemple, M. Filion affirme que le projet de modernisation de la rue Notre-Dame, mis en veilleuse depuis janvier dernier après dix ans d'études et de débats, «n'est pas tabletté».

«Même si, en apparence, le projet est ralenti, il y a encore des activités en cours, assure-t-il. Nous sommes présentement en discussions avec les autorités du Port de Montréal pour des acquisitions de terrains dont nous aurons besoin, quand nous aurons une entente de réalisation avec nos partenaires de la Ville de Montréal».

Un projet comme celui de la rue Notre-Dame, ajoute-t-il, construit dans un milieu résidentiel dense, ne peut pas être analysé de la même façon qu'un projet comme celui de l'autoroute 30, en Montérégie, qui est construit en grande partie sur des terrains inoccupés, en périphérie des milieux urbains.

La Métropolitaine

Le cas de l'autoroute Métropolitaine (A-40) illustre aussi les changements d'orientation du MTQ en matière de développement routier dans la métropole. M. Filion a ainsi indiqué que le mégaprojet qui était prévu au PGDM pour la colonne vértébrale du réseau autoroutier montréalais, ne cadre plus, aujourd'hui, avec la nouvelle approche ministérielle en matière de mobilité urbaine.

Selon M. Filion, le projet aurait notamment induit une augmentation de la capacité routière significative sur la Métropolitaine, qui contredit les orientations du nouveau «plan de mobilité durable» que prépare le ministère, pour succéder au PGDM.

«Le projet du PGDM prévoyait un grand nombre d'interventions, incluant des travaux de conservation, a déclaré M. Filion. Une partie de l'autoroute a été repavée. Nous avons réduit plusieurs points de congestion, notamment avec le réaménagement du rond-point L'Acadie, qui était une intervention majeure». Le projet complété en 2004 a nécessité des investissements de 116 millions$.

Parmi les chantiers importants réalisés au cours de la dernière décennie, le sous-ministre adjoint rappelle également la connexion de l'autoroute Côte-de-Liesse (A-520) et des travaux majeurs de réparations de ponts d'étagement sur la Métropolitaine.

Depuis l'an dernier, le MTQ a aussi amorcé des travaux majeurs sur des ouvrages d'art de l'échangeur Nord de l'autoroute des Laurentides. La semaine dernière, le ministère a de plus annoncé un important projet de réaménagment de la partie nord de l'échangeur Décarie, qui prévoit, entre autres, une mise en oeuvres de mesures prioritaires aux transports collectifs dans l'axe de l'A-15.

Le MTQ n'a toutefois plus l'intention de réaliser le volet le plus important du projet d'optimisation de 2000, qui consistait en la construction d'une voie de service continue, le long de cette infrastructure.

«On ne peut plus penser à réduire des points de congestion, en rajoutant des voies de circulation ou en augmentant la capacité routière», dit-il. «Montréal est une ville qui a des problèmes de congestion en progression constante à cause de l'augmentation des débits de circulation».

Entre les échangeurs Des Laurentides et Décarie, souligne-t-il, le nombre des véhicules est passé entre 2000 et 2008 de 190 000 à 205 000 par jour, et ce, sans qu'on augmente la capacité routière de la Métropolitaine.

«Ce fait démontre, conclut M. Filion, que les solutions ne passent pas par le développement routier».