Alors que la crise du logement n’épargne aucune région du Québec, les établissements d’enseignement ne savent plus à quel saint se vouer pour loger leurs élèves à temps pour la rentrée.

À Granby, un presbytère vient même d’être converti en logements pour des élèves étrangers en technique infirmière, nous apprenait Le Devoir cette semaine.

Dieu soit loué !

Mais il ne faut pas attendre l’intervention divine pour trouver une solution pérenne à la crise qui va continuer de s’aggraver. Depuis des décennies, on ne construit pratiquement pas de logements pour les étudiants postsecondaires dont le nombre s’apprête à bondir, compte tenu de la courbe démographique.

« Il y aura presque 14 000 étudiants de plus au cégep d’ici deux ans, c’est l’équivalent de deux gros cégeps », mettait en garde le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, lors d’une table éditoriale avec La Presse cette semaine.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, jeudi

Vague d’étudiants dans les cégeps

En 2024

  • 6 573 étudiants de plus
  • 3,9 % de croissance

En 2025

  • 7 373 étudiants de plus
  • 4,3 % de croissance

Source : ministère de l’Enseignement supérieur

La vague d’inscriptions suivra dans les universités. Alors il est plus que temps de faire nos devoirs.

Mais l’urgence d’agir n’est pas une raison pour lancer des solutions irréfléchies, comme le ministre fédéral du Logement, Sean Fraser, qui a proposé cette semaine de plafonner le nombre d’étudiants étrangers qui sont pourtant des immigrants de choix puisqu’ils ont un diplôme reconnu et qu’ils sont déjà bien intégrés dans la société.

Oui, leur nombre a bondi de 42 % depuis quatre ans au pays. Oui, il y a une réflexion à faire. Mais ce n’est pas à Ottawa de dicter la conduite des établissements postsecondaires qui sont de compétence provinciale.

Revenons donc à l’enjeu du logement qui n’est pas spécifique aux étudiants, bien entendu, mais qui les frappe plus durement.

La moitié des étudiants ont des revenus inférieurs à 20 000 $, mais leur appartement leur coûte 19 % plus cher que le reste de la population. Pourquoi cet écart ? Comme nouveaux locataires, ils paient le prix d’un logement fraîchement inscrit sur le marché, qui est plus élevé que le loyer moyen d’un locataire installé depuis longtemps.

Consultez le rapport de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) Le logement étudiant à Montréal

Face à la difficulté de se loger, certains étudiants abandonnent carrément leurs études. D’autres doivent travailler davantage à temps partiel pour financer leur logement, ce qui risque de nuire à leur réussite scolaire ou à leur santé. D’autres finiront avec des dettes plus élevées, ce qui hypothéquera leur entrée dans la vie active.

Tout ça alors qu’on a tant besoin de travailleurs qualifiés.

En aidant les étudiants à se loger à prix raisonnable, on leur permettrait de se concentrer sur leurs études. En plus, on réduirait la pénurie de logements pour l’ensemble de la population, puisque les étudiants libéreraient des appartements plus grands qu’ils occupent en colocation et que les familles peinent à trouver.

Bref, on ferait d’une pierre trois coups.

Idéalement, il faudrait bâtir près des établissements d’enseignement pour que les étudiants n’aient pas besoin de voiture. Mais plus on se rapproche des cégeps et des universités, plus le terrain coûte cher.

Les établissements d’enseignement disposent souvent de terrains qui pourraient accueillir de nouveaux logements, réduisant du même coup la facture finale. Sauf que ces établissements ont prouvé dans le passé qu’ils pouvaient être de piètres gestionnaires de projets immobiliers. Vous vous souvenez du fiasco de l’UQAM avec l’îlot Voyageur ?

Mais rien n’empêche les collèges et les universités de travailler en partenariat avec des constructeurs privés en leur louant un terrain à très long terme avec un bail emphytéotique.

Chacun son métier.

Certaines entreprises se spécialisent dans le logement étudiant. L’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), un organisme à but non lucratif, a construit près de 600 logements ces dernières années et projette d’en bâtir 1500 autres.

En construisant des appartements de tailles modestes (ex. : 300 pi2 pour un studio avec cuisine) dans de grands projets qui comptent des espaces communs partagés, il dégage des économies d’échelle permettant de louer à bon prix (ex. : 650 $ pour un studio, électricité, internet, électroménagers compris).

Mais le financement de la construction de logement étudiant reste un défi.

Le fédéral offre un programme de prêt à taux avantageux qui donne un bon coup de main. Et le provincial accorde des subventions au logement étudiant à travers le Programme d’habitation abordable Québec, un pas en avant par rapport à l’ancien programme Accès Logis.

Il n’en reste pas moins qu’aucun des deux ordres de gouvernement n’a un véritable programme de subventions dédié au logement étudiant, même si l’idée est dans les cartons à Québec. Tant mieux.

La ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau étudie aussi la possibilité d’amender son projet de loi 31 pour que les résidences de cégépiens bénéficient de la même exemption de taxes foncières que les résidences universitaires, ce qui tombe sous le sens.

Alors, faites vos prières pour que les gouvernements développent rapidement une stratégie claire pour le logement étudiant.