Aujourd’hui la guerre, demain quoi ? Les bombardements et l’offensive terrestre font rage dans la bande de Gaza sans qu’on ait de réponse à cette question pourtant cruciale.

Il est du devoir de la communauté internationale de réfléchir dès maintenant à la finalité du conflit. Et le Canada doit retrouver la voix qu’il a déjà eue dans le passé s’il veut jouer un rôle constructif dans ces réflexions et éviter d’être marginalisé davantage sur la scène internationale.

Dans l’immédiat, l’objectif d’Israël est d’éradiquer le Hamas qui contrôle la bande de Gaza. Nul ne remet en cause le droit de l’État hébreu à se défendre et à assurer la sécurité de ses citoyens, après les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre qui ont causé la mort de 1400 Israéliens et fait plus de 240 otages, selon Tsahal. Des civils innocents.

Mais il y a des limites. « La réponse d’Israël ne peut pas être la souffrance de tous les civils palestiniens », a d’ailleurs expliqué la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, lors d’une entrevue éditoriale à La Presse, jeudi.

Or, plus de 9000 Gazaouis seraient morts sous les bombes, depuis trois semaines. Des femmes et des enfants en majorité. Alors que même les hôpitaux et les écoles sont bombardés, la population assiégée n’a nulle part où se mettre en sécurité.

Il faut condamner ces attaques qui vont à l’encontre du droit international, selon des experts de l’ONU. Tout comme il faut dénoncer les colons juifs qui profitent de la guerre pour élargir leur territoire en Cisjordanie, en repoussant violemment les Palestiniens qui y vivent, ce qui risque d’ouvrir un autre front au conflit.

Pour l’instant, le Canada reste timide. À la remorque de ses alliés, il se contente de réclamer une trêve. Cela aurait le mérite d’acheminer de l’aide humanitaire et de favoriser l’évacuation sécuritaire des 440 Canadiens coincés à Gaza, sans toutefois régler les questions de fond.

Éradiquer le Hamas, ça implique quoi au juste ? Est-ce même possible ?

Disons-le, on peut tuer des combattants, mais pas une idée. Les enfants de Gaza qui voient leurs proches mourir sous les bombes aujourd’hui risquent de devenir les combattants de demain. En soufflant sur le feu pour l’éteindre, on lui aura malheureusement donné de l’oxygène.

Et si Israël parvient à éradiquer le Hamas, quelle sera l’étape suivante ?

La faction d’extrême droite religieuse du gouvernement israélien caresse ouvertement l’idée de déplacer les Gazaouis en Égypte, ce qui est totalement inconcevable. L’Égypte, déjà aux prises avec des problèmes de terrorisme, est contre. Et de toute façon, on ne peut pas faire des Palestiniens, qui ont leur propre identité nationale, un peuple sans pays.

À moyen terme, il faudra donc trouver une nouvelle forme de gouvernance à Gaza qui assurera l’ordre et empêchera de nouvelles attaques vers Israël.

L’ONU, qui approvisionne déjà l’enclave, pourrait envoyer des forces communes de différents pays arabes. Mais ce serait une solution extérieure. Sinon, l’Autorité palestinienne, que dirige le Fatah de Mahmoud Abbas en Cisjordanie, pourrait prendre le contrôle. Mais son gouvernement faible et discrédité risque d’être perçu comme une potiche des Occidentaux. Et si les Palestiniens vont aux urnes, le résultat des élections pourrait bien déplaire à la communauté internationale, comme en 2006 lorsque le Hamas a été élu, ce qui a mené à un schisme chez les Palestiniens.

Cela dit, une solution pour Gaza ne sera jamais durable si elle ne fait pas partie d’une solution globale pour tous les Palestiniens, y compris ceux de Cisjordanie. Cela commence par dire haut et fort aux Israéliens d’arrêter de coloniser.

Depuis les attaques du 7 octobre, on n’a jamais été si loin de la solution à deux États que soutient le Canada. Mais il n’y a pas de solution de rechange. Le statu quo est impossible. Les récentes attaques du Hamas ont prouvé que le conflit ne se résorbera pas de lui-même, comme la communauté internationale l’avait naïvement espéré après ces dernières années d’accalmie.

Les deux peuples sont condamnés à trouver une façon de cohabiter. Ce ne sont pas les bombes qui mèneront vers une paix durable au Proche-Orient, mais bien les efforts diplomatiques. Autant s’y mettre le plus vite possible.

Même si le Canada n’est pas un acteur de premier plan au Proche-Orient, il peut y jouer un rôle constructif. C’est ce qu’il avait fait dans la foulée des accords d’Oslo, il y a 30 ans, en prenant en main le comité supervisant la délicate question du retour des réfugiés palestiniens.

Membre fondateur de l’ONU, idéateur des Casques bleus, le Canada avait fait des missions de paix sa marque de commerce à l’international. Mais depuis, la politique étrangère d’Ottawa a perdu de sa force de frappe parce qu’elle s’adresse davantage aux Canadiens et à Washington, à qui elle ne veut pas déplaire.

Si Ottawa veut que sa voix porte à l’international, il doit faire preuve d’audace et mettre de l’avant des initiatives susceptibles de faire débloquer les discussions. Et au bout du compte, aider les Israéliens et les Palestiniens à trouver ensemble une solution pour la bande de Gaza, le jour après la guerre.

La position de La Presse

Il faut réfléchir aujourd’hui à ce qu’il adviendra de la bande de Gaza demain. Le Canada doit retrouver la voix qu’il a déjà eue dans le passé s’il veut jouer un rôle constructif dans la recherche d’une solution durable au Proche-Orient.