On trouve rarement de réelles solutions en enterrant nos problèmes. Mais pour Hydro-Québec, c’est la voie à suivre. Enfouir les fils électriques dans le sol permettrait de réduire les pannes qui plongent les clients dans le noir au moindre caprice de la météo.

Lundi n’a pas fait exception. La première bordée de l’année a privé d’électricité plus de 110 000 foyers. Pourtant, une trentaine de centimètres de neige, ce n’est rien de très surprenant au Québec.

Mais comme le réseau d’Hydro-Québec manque d’entretien, il est devenu vulnérable aux intempéries, qui deviennent de plus en plus fréquentes et violentes avec les changements climatiques.

Le derecho de mai 2022 : 500 000 clients touchés. La tempête juste avant Noël : 640 000 foyers dans le froid. Le verglas en avril dernier : plus de 1 million de Québécois privés de courant, certains jusqu’à cinq jours.

Hydro-Québec doit donc impérativement améliorer la résilience de son réseau de distribution, surtout que la transition énergétique nous rendra encore plus dépendants à l’électricité.

À court terme, un meilleur émondage est la solution la plus simple pour réduire les pannes, car la végétation qui pousse à travers les fils électriques est une des principales sources de problème. Le déploiement de puissantes batteries de secours dans les quartiers peut aussi donner un coup de main.

Mais pour rendre notre réseau plus robuste, l’enfouissement reste incontournable.

Évidemment, ce n’est pas donné.

Un kilomètre de réseau enfoui peut coûter jusqu’à un million de dollars, soit dix fois plus cher qu’un kilomètre de réseau aérien, estime Hydro-Québec. C’est ce qui avait permis au premier ministre François Legault d’affirmer qu’il en coûterait 100 milliards de dollars pour enfouir tous les fils du Québec.

On s’entend qu’une telle facture n’est pas raisonnable. Sauf que personne ne réclame l’enfouissement de tous les fils électriques de la province, de Manic 5 jusqu’à Montréal en passant par chacun des rangs du Québec.

Pour amoindrir la facture, on pourrait y aller graduellement, en ciblant les zones les plus densément peuplées, là où les pannes touchent un très grand nombre de citoyens. Et on pourrait commencer par enfouir les lignes à haute tension, sans refaire toutes les lignes à basse tension qui entrent chez les clients. Ce serait déjà un bon début.

D’autres techniques peuvent aussi réduire les coûts. Hydro-Québec a justement mené deux projets pilotes à cet effet depuis un an et demi.

L’enfouissement devrait aussi être de rigueur lorsqu’on construit de nouveaux bâtiments et lorsqu’on creuse les rues pour d’autres raisons.

Il est désolant que la Ville de Montréal ait refait ses égouts et les conduites d’eau, depuis des années, sans qu’Hydro-Québec ait profité de cette occasion en or pour installer des lignes électriques souterraines. Heureusement, une entente en ce sens a été conclue en 2022.

Mais Hydro-Québec ne peut faire de même dans les autres municipalités, car elle doit se concentrer sur les demandes de raccordement qui traînent en longueur pour de nouvelles maisons.

On comprend. Mais pendant ce temps, le réseau existant pâtit.

La fiabilité du service de distribution d’Hydro-Québec s’est dégradée de façon marquée depuis 10 ans, a constaté la vérificatrice générale dans un audit de performance, en décembre dernier.1

En 2021, plus de huit millions de clients ont été touchés par une panne. La durée moyenne de ces pannes a augmenté de 63 % de 2012 à 2021. Et ces chiffres ne tiennent même pas compte des pannes dues aux évènements météorologiques majeurs.

Tout indique que la situation va empirer, au cours des prochaines années, à cause du vieillissement des équipements d’Hydro-Québec qui va s’accélérer.

Pour vous donner une idée, le nombre de poteaux à remplacer passera d’environ 7000 par année à 30 000 d’ici 2035. Et le nombre de transformateurs aériens à remplacer passera de 8500 à 14 000 par année.

Raison de plus pour songer à l’enfouissement, au lieu de tout refaire à l’identique. Nous sommes à un moment charnière. Profitons-en pour réfléchir autrement.

Au moins, la priorité numéro un du Plan d’action 2035 déposé par le nouveau patron d’Hydro-Québec, Michael Sabia, prévoit doubler les sommes consacrées à l’amélioration de la fiabilité des infrastructures, pour y investir de 4 à 5 milliards par année.

Tant mieux.

Avec la transition énergétique, le Québec sera beaucoup plus dépendant de l’électricité, non seulement pour la maison, mais aussi pour la voiture. La filière batterie, c’est bien beau. Mais encore faut-il être capable de la recharger, beau temps, mauvais temps.

Consultez l’audit de performance de la vérificatrice générale

La position de La Presse

La transition énergétique ne peut pas se faire avec un réseau qui tombe sans cesse en panne. Enfouir davantage les fils d’électricité permettrait d’améliorer la fiabilité d’Hydro-Québec.