Un CPE de Laval se bat pour maintenir ouverte une installation temporaire, disant avoir une liste d’attente de plusieurs centaines de bambins. Mais le ministère de la Famille refuse de la maintenir en fonction, estimant que le secteur compte déjà trop de places.

Les locaux où se trouvent ces 42 places, dans le quartier Pont-Viau, sont complètement aménagés et fonctionnels, souligne la directrice du CPE Chapeaux ronds et bottillons, Martine Desjardins, qui gère ces places.

« On a reçu un financement de 50 000 $ du Ministère pour les travaux d’aménagement, note Mme Desjardins. Les locaux sont là. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La directrice du CPE Chapeaux ronds et bottillons, Martine Desjardins

Tous les parents trouvent que les installations sont exceptionnelles. Ça serait aberrant qu’elles soient inutilisées, alors qu’il y a tellement de parents désespérés qui cherchent une place et qui nous appellent chaque jour.

Martine Desjardins, directrice du CPE Chapeaux ronds et bottillons

Vicky Roy, ex-cheffe des services de santé jeunesse du CISSS de Laval, avait même rédigé une lettre, l’hiver dernier, appuyant le projet de conversion des 42 places temporaires en places permanentes. Son service, écrivait-elle, « n’arrive pas toujours à trouver des places pour la majorité des enfants dans nos programmes et particulièrement dans [les secteurs de Pont-Viau et de Laval-des-Rapides]. »

« Il est donc souhaitable que votre installation temporaire demeure ouverte puisqu’elle est déjà fonctionnelle et permettrait d’obtenir des places supplémentaires pour nos enfants vulnérables ou à défi », poursuit Mme Roy dans sa lettre.

Le CPE Chapeaux ronds et bottillons, dont l’installation principale accueille 75 petits, a obtenu il y a plusieurs années l’autorisation d’exploiter 85 places supplémentaires dans un nouveau bâtiment. En attendant que l’immeuble soit prêt, en octobre 2023, le gouvernement a autorisé le CPE, en 2021, à ouvrir 42 des nouvelles places accordées dans des locaux temporaires attenants à l’installation principale.

Ce sont ces locaux temporaires que le CPE voudrait rendre permanents. Les 85 nouvelles places ont déjà été attribuées ; 42 places supplémentaires deviendraient donc disponibles.

Martine Desjardins dit avoir 731 noms sur la liste d’attente de son CPE. Pour toute l’île de Laval, le site du ministère de la Famille indique que 943 enfants sont inscrits au guichet unique pour une place en CPE. Pour les secteurs de Pont-Viau et Laval-des-Rapides, le Ministère estime qu’il y a un « faible » surplus de places.

Mais selon Mme Desjardins, comme le quartier Pont-Viau accueille une population démunie et immigrante, les inscriptions au guichet unique ne reflètent peut-être pas l’ampleur des besoins.

Une fermeture dure à avaler

Pour de nombreux parents dont les enfants sont inscrits sur la liste d’attente, la fermeture de l’installation temporaire est inexplicable et difficile à accepter.

« Il n’y a rien dans le coin à 8,85 $ par jour », déplore Fatiha Alileche, mère de deux fillettes de 1 an et 2 ans et demi, qui habite dans le quartier et a appelé plusieurs fois le CPE Chapeaux ronds et bottillons dans l’espoir d’y obtenir des places.

Si je suis obligée d’envoyer mes filles dans une garderie à 50 $ par jour par enfant, ça ne vaut pas la peine de travailler.

Fatiha Alileche, mère de deux fillettes

Mme Alileche a déniché des places subventionnées dans une garderie de Montréal, mais comme elle est en télétravail, cette situation nécessite de longs déplacements.

Sandy, de son côté, n’a même pas cette option : elle et son conjoint n’ont pas de voiture et se déplacent en transports en commun. Ils cherchent donc une place dans leur quartier pour leur enfant de 2 ans et demi.

Le bébé avait été admis dans une garderie en milieu familial, mais Sandy, une ancienne éducatrice, n’a pas été satisfaite de la qualité du service.

Elle a donc quitté son emploi pour s’occuper de sa progéniture. « Il n’y avait pas d’autre option possible », dit la jeune mère, qui tait son nom de famille parce qu’elle craint que ses commentaires nuisent à ses chances d’obtenir une place.

Je suis très déçue parce que je crois aux services publics. Une place en CPE devrait être un droit, pour assurer la qualité des services et améliorer le niveau de vie des femmes.

Sandy, à la recherche d’une place pour son enfant

Ces mères, comme de nombreuses autres, avaient pourtant inscrit leur enfant au guichet unique avant même qu’il ne vienne au monde.

Dernier clou

Après une lettre envoyée par le conseil d’administration du CPE Chapeaux ronds et bottillons à la ministre de la Famille, Suzanne Roy, l’hiver dernier, Martine Desjardins a cru qu’il y avait une possibilité que l’installation temporaire soit pérennisée, puisqu’on lui avait répondu que le dossier était analysé.

Mais en juillet dernier, la responsable du secteur pour le Ministère a mis le dernier clou dans le cercueil de ces espoirs en confirmant que l’installation temporaire de 42 places ne pourrait plus recevoir d’enfants après l’ouverture de la nouvelle installation de 85 places.

Au ministère de la Famille, on explique que le territoire de bureau coordonnateur où se situe Chapeaux ronds et bottillons affiche un surplus de 163 places. Il n’a cependant pas été possible de savoir combien d’enfants se trouvaient sur la liste d’attente dans ce secteur, puisque les données à jour sont attendues en octobre.

« Le modèle tient compte mensuellement des tendances démographiques, notamment des naissances, des flux migratoires, etc. », explique la porte-parole du Ministère, Wendy Whittom.

« Sur les 85 places consenties au CPE Chapeaux ronds et bottillons, 42 ont été ouvertes plus rapidement, en installation temporaire, poursuit-elle. Les 42 places font partie des 85 places accordées. Elles ne peuvent donc pas s’additionner. »