Après deux débats coup sur coup, Elizabeth May semblait encore tout électrisée, hier.

«J'étais vraiment très contente d'être capable de communiquer de façon claire. J'ai tendance à parler trop vite et, pour le débat en français, j'ai fait l'effort de parler tranquillement pour être comprise.»

La résolution s'était envolée, hier, et de la première minute de l'entrevue, on ne peut rien rapporter. Rien compris, hélas!

Signe que son emploi du temps n'a manifestement rien de celui de la chef d'un tiers parti, Elizabeth May avait 10 minutes à nous accorder et nous avons fini par lui en arracher 22. En anglais, finalement, à notre demande, pour faciliter l'exercice.

Du débat en français, elle a tout compris, dit-elle. À une exception près : la question du citoyen voulant que les chefs disent du bien de leur voisin de gauche. «Je pensais qu'il voulait que l'on se situe sur le spectre gauche-droite de la politique! Heureusement que Stéphan Bureau a reformulé la question en voyant que je ne l'avais pas comprise. Il a été très gentil!»

«Je me suis ensuite dit : Il faut que je trouve quelque chose de gentil à dire sur Stephen Harper, et c'est le pire premier ministre qu'on ait vu! Il n'a aucun respect pour la démocratie, je le trouve impoli à la Chambre des communes... Je cherchais désespérément quelque chose à dire!»

Ça y est, donc, le Parti vert a réussi à être admis au cénacle du débat des chefs. Mais peut-il vraiment espérer mieux que de voir ses idées récupérées par les autres partis ?

«Qu'ils les prennent, nos solutions, on ne demande pas mieux!»

Faire circuler les idées

Ce qui compte pour Elizabeth May, c'est que les idées du Parti vert fassent leur chemin. «Nos objectifs se rapprochent plus de ceux mis de l'avant par Tommy Douglas. Il n'a jamais été premier ministre du Canada mais, sans lui, nous n'aurions pas eu l'assurance maladie.»

Ce serait vraiment bien «si les partis politiques cessaient de ne penser qu'en fonction du pouvoir. On peut accomplir tellement plus quand on cesse de se préoccuper de savoir si on en récoltera le crédit.»

Mais pourquoi s'être compliqué la vie en allant se présenter dans la circonscription du ministre conservateur Peter MacKay? «J'ai passé toute ma vie adulte en Nouvelle-Écosse. Je ne voulais pas représenter un endroit où je n'ai jamais vécu. En plus, les intérêts de cette province sont laissés pour compte par les autres partis, dont les racines sont à Montréal ou dans l'Ouest. Je voulais porter ces intérêts.»

De toute façon, enchaîne-t-elle, «quand on représente le Parti vert, des circonscriptions sûres, ça n'existe pas».

Elizabeth May se dit convaincue que les Canadiens sont prêts à adopter des idées vertes, même s'il doit leur en coûter, même s'ils doivent payer 10 cents de plus à la pompe et 1% de plus en TPS - cette dernière hausse étant proposée par le Parti vert pour financer les infrastructures municipales, «qui sont dans un si piètre état».

Les sables bitumineux? Aussi polluants soient les sables bitumineux, elle ne propose pas d'en cesser l'exploitation. «Nous ne toucherions pas à la production actuelle - qui est de l'ordre de 1,2 million de barils de pétrole par jour - mais il faut que l'on cesse de l'accroître. Même le maire et le conseil municipal de Fort McMurray demandent que l'on cesse de multiplier le nombre de permis (d'exploitation) accordés.»

On le sait pour l'avoir entendue sur ces sujets, Elizabeth May est en faveur d'une taxe sur le carbone (de 50 $ la tonne) et en faveur d'une Bourse du carbone (un marché financier où les entreprises s'échangent des droits de polluer).

Taxe sur le carbone

Selon Mme May, sa taxe sur le carbone rapporterait à elle seule 37 milliards de dollars par année. Pour le reste, il y a de l'argent à récupérer, notamment, en taxant les pétrolières adéquatement et en réduisant nettement l'argent dévolu à l'armée (voir le résumé des positions du Parti vert dans la page ci-contre).

Enfin, question particulièrement délicate pour une écolo des Maritimes : la chasse au phoque. Elle jure qu'elle n'est pas en désaccord avec les militants de son parti à ce sujet. On tue beaucoup trop de phoques et de façon trop cruelle, dit-elle. Écologiquement, on ne peut pas continuer à tuer autant de ces mammifères, dont la chasse nuit à l'image du Canada à l'étranger, dit-elle. «Mais en tant que citoyenne des Maritimes, je me demande s'il ne serait pas possible de faire certains compromis et d'autoriser une chasse commerciale qui soit très limitée, qui pourrait aboutir à une certification de type équitable, avec garantie que les animaux ont été abattus de façon écologique et humaine.»

Encore faudrait-il, insiste-t-elle, que ces «compromis» soient acceptés par les membres du parti, démocratiquement.. Bachand.