(Montréal) La Ville de Rouyn-Noranda exige des explications après la publication d’analyses effectuées par le ministère de l’Environnement sur des échantillons de poussières de métaux sur le terrain d’une école de Rouyn-Noranda. Celles-ci montrent une teneur en arsenic qui s’élève à 4130 milligrammes par kilogramme dans un échantillon recueilli devant l’école.

Les analyses ont été effectuées après un incident survenu il y a quelques semaines à la Fonderie Horne.

Le 7 mars dernier, des citoyens de Rouyn-Noranda ont partagé des photos de « neige noire » sur les réseaux sociaux.

Six jours plus tard, le ministère de l’Environnement a émis un avis de non-conformité à Glencore, propriétaire de la fonderie, pour l’émission de contaminants « en vertu de l’article 20 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) et pour ne pas avoir récupéré la contamination ».

Quatre jours après le signalement des citoyens, le 11 mars, le ministère a procédé à l’analyse d’échantillons de neige à différents endroits de la ville.

Les résultats de l’analyse, publiés mercredi, montrent que sur le terrain devant l’école primaire Notre-Dame de Protection, la teneur en arsenic s’élève à 4130 milligrammes par kilogramme, ce qui serait 137 fois plus élevé que la valeur limite de concentration en arsenic au sol pour les propriétés à usage résidentiel au Québec.

Mais dans un communiqué diffusé en fin d’après-midi, Glencore soutient « qu’on ne peut pas scientifiquement comparer ces résultats aux limites prescrites pour les sols », car les échantillons de neige ont été fondus pour en retirer l’eau, « puis les poussières résiduelles ont été analysées en laboratoire, c’est donc dire qu’il s’agissait d’un échantillon très concentré de poussières ».

Glencore avance également que la présence d’arsenic dans les échantillons prélevés est attribuable à « une accumulation de poussière provenant de ces procédés », mais pas à l’emportement éolien du 7 mars.

La Ville demande des explications

Mercredi après-midi, la mairesse Diane Dallaire a indiqué que « les résultats des analyses des poussières qui arrivent près de deux mois après les évènements, et qui ont d’abord été publiés par Radio-Canada, soulèvent énormément de questions et d’inquiétudes » dans la communauté.

Son administration demande que la Santé publique et le ministère de l’Environnement s’expliquent devant la population et démontrent « comment ils s’assurent de protéger nos citoyens et citoyennes ».

Isabelle Fortin-Rondeau, qui fait partie du groupe de citoyennes Mères au front, s’offusque de constater qu’une fois de plus dans le dossier de la fonderie, les citoyens prennent connaissance d’informations importantes par les médias plutôt que par les autorités.

« Quand il y a eu le fameux emportement éolien des concentrés de la fonderie vers les terrains autour (le 7 mars), on sentait que personne n’était alarmé, la Commission scolaire n’était pas alarmée, la santé publique n’était pas alarmée et aujourd’hui, on apprend que c’était hautement contaminé au nickel, au plomb, à l’arsenic. »

Elle dénonce « un manque de transparence », car « c’est le ministère de l’Environnement qui a fait ces analyses-là, donc pourquoi l’information nous parvient par des journalistes qui ont obtenu une copie des analyses ? Ça s’est passé comme ça aussi quand on a appris que des maisons allaient être détruites pour faire une zone tampon. On l’a appris par les médias, c’est vraiment le modus operandi depuis le début dans ce dossier-là, il faut courir après l’information », a déploré la résidante de Rouyn-Noranda.

Le groupe Mères au front a d’ailleurs lancé une campagne de financement pour faire l’analyse d’échantillons de neige contaminée prélevés dans différents secteurs de Rouyn-Noranda.

« On a recueilli des échantillons beaucoup plus loin que juste autour de la fonderie » et « on va les faire analyser par un laboratoire privé ».

Pour obtenir les résultats des analyses du ministère de l’Environnement, il faut effectuer une recherche dans une sous-section d’une page appelée « Réponses aux demandes d’accès aux documents », qui elle, figure dans une section appelée « Diffusion de l’information et protection des renseignements personnels » du site du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

La Presse Canadienne a demandé à une porte-parole régionale du ministère si celui-ci avait un plan pour communiquer et expliquer les résultats des analyses effectuées le 11 mars aux résidants de Rouyn-Noranda, mais l’agence de presse n’avait pas obtenu de réponse mercredi après-midi.

L’opposition réagit

Les résultats d’analyse des échantillons ont fait réagir les députés de l’opposition mercredi matin à l’Assemblée nationale.

« La pollution d’arsenic qui se trouve sur la neige à côté de l’école, dans les cours d’école, où des enfants de Rouyn-Noranda jouent, c’est très, très grave » et « c’est quand même quelque chose de se dire qu’on doit réfléchir avant d’envoyer un enfant jouer dehors, parce que ça se peut qu’il soit en contact avec l’arsenic quand il joue. C’est inconcevable qu’au Québec on ait cette situation-là », a indiqué la solidaire Alejandra Zaga Mendez.

« Est-ce qu’on peut faire confiance à la compagnie lorsqu’elle rassure les gens, envoie un communiqué en disant : « Il n’y a aucune poussière, aucun contaminant dans ces poussières qui sont entreposées à l’extérieur de la fonderie », et que des tests du gouvernement, du ministère de l’Environnement, menés quelques semaines plus tard, démontrent des concentrations élevées d’arsenic, de cadmium, de nickel, de plomb ? Alors, moi, j’en appelle à un positionnement responsable de la part du gouvernement qui doit véritablement, là, donner un coup de barre et s’assurer que l’environnement autour de la fonderie soit véritablement sain pour les voisins », a pour sa part commenté le péquiste Joël Arseneau.

Un « emportement éolien de concentré de cuivre »

Le 16 mars dernier, la responsable des communications et relations avec la communauté de Glencore, Cindy Caouette, avait ainsi commenté la situation concernant la neige contaminée dans les environs de la fonderie, lors d’un point de presse : « Dès qu’on a été avisé qu’il y avait un possible emportement éolien de concentré de cuivre, les équipes ont été envoyées sur le terrain constater visuellement pour essayer de délimiter le secteur, des échantillons ont été pris et en ce moment on est en train de procéder à la collecte de la neige sur laquelle on retrouve de la poussière ».

Il y a une semaine, le ministère de l’Environnement annonçait avoir ouvert une enquête pénale sur la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, en raison des particules de métaux qui se sont échappées de ces installations le 7 mars dernier.

Le dossier devrait être transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales et selon la directrice régionale du contrôle environnemental au MELCCFP, Annie Cassista, pour ce type d’infraction, la loi prévoit une amende qui peut atteindre la somme de 6 millions.