La Ville de Longueuil souhaite terminer le prolongement du boulevard Béliveau, dont les travaux avaient été interrompus en 2021 pour protéger l’habitat de la rainette faux-grillon, une espèce menacée. La mairesse Catherine Fournier s’engage à respecter l’avis faunique qui avait été écarté par Québec au moment d’autoriser le projet. Mais des groupes environnementaux sont furieux de ne pas avoir été consultés.

Longueuil va annoncer mardi son intention de terminer les travaux de prolongement du boulevard Béliveau, qui seraient exécutés à l’été 2024. Ces travaux avaient été interrompus en octobre 2021 par une ordonnance de la Cour supérieure du Québec, puisqu’ils étaient « susceptibles d’altérer des milieux humides dans le secteur du projet », dans l’habitat de la rainette faux-grillon, une espèce menacée inscrite au registre fédéral des espèces en péril.

Un mois plus tard, en novembre 2021, Ottawa annonçait un décret d’urgence protégeant une zone d’environ 20 hectares dans l’arrondissement de Saint-Hubert afin de protéger l’habitat essentiel de la rainette faux-grillon. Au moment de l’annonce, les travaux de prolongement du boulevard Béliveau étaient réalisés à 75 %.

Rappelons que le chantier avait été autorisé par le ministère québécois de l’Environnement en vertu de simples déclarations de conformité, une procédure moins contraignante qu’une demande d’autorisation ministérielle. Le Ministère n’avait pas tenu compte non plus d’un avis faunique de l’ancien ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) qui était défavorable au projet soumis par l’ancienne administration de la Ville de Longueuil.

Pour reprendre les travaux, Longueuil devra demander un permis du ministère fédéral de l’Environnement puisque le secteur est toujours protégé par un décret d’urgence. La Ville dit être « en discussion constante avec ECCC [Environnement et Changement climatique Canada] afin de répondre aux plus hauts standards de protection de l’espèce et ainsi obtenir le permis conséquent ».

Longueuil s’engage d’ailleurs à respecter l’avis faunique écarté par Québec. Le document signalait que « des adaptations et des mesures importantes doivent être ajoutées au projet afin de réduire les impacts et de garantir une meilleure connectivité [pour l’espèce] ». « En plus du passage pour la grande faune, un deuxième passage, plus spécifique aux besoins de la rainette faux-grillon de l’Ouest, devrait être aménagé dans un secteur où la connectivité hydrique naturelle est présente », ajoutait le biologiste du MFFP Étienne Drouin.

Levée de boucliers

L’annonce du prolongement du boulevard Béliveau a fait bondir Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs, section Québec. « Cette annonce de la Ville de Longueuil laisse un goût amer de fourberie alors qu’elle n’a jamais donné suite à la promesse de la mairesse alors nouvellement élue de créer un comité inclusif pour examiner différentes options. Mais de quelle science la Ville dispose-t-elle pour proposer un second passage faunique mieux adapté à la rainette ? »

Selon Tommy Montpetit, directeur de la conservation à l’organisme Ciel et Terre, à Longueuil, le deuxième passage faunique tel que proposé pourrait être catastrophique pour l’espèce. « Si on fait ça, ça va être game over, c’est fini. Les prédateurs de la rainette, les grenouilles léopards, font faire la file pour aller s’y nourrir. »

Alain Branchaud se questionne par ailleurs sur la pertinence d’un tel aménagement si les habitats de la rainette de part et d’autre du boulevard ne sont pas protégés. « Je me suis toujours engagée à ce que le corridor des boisés du Tremblay, Roberval et Fonrouge ne fasse pas l’objet de développement immobilier », a réaffirmé Catherine Fournier dans une déclaration écrite transmise à La Presse. « Qui plus est, nous déposerons notre Plan de protection et de conservation des milieux naturels l’automne prochain afin de désigner clairement tous les espaces qui seront protégés et conservés à perpétuité, incluant le secteur adjacent au boulevard », ajoute-t-elle.