La qualité de l’air était mauvaise dans l’île de Montréal, mardi, en raison des incendies de forêt qui ravagent présentement l’Ouest canadien. Et chaque hectare brûlé « va augmenter la probabilité d’avoir du smog pour le reste de l’été », souligne un professeur.

À son point le plus élevé de la journée, vers 15 h mardi, l’indice de la qualité de l’air était de 61 au centre-ville de Montréal. À titre indicatif, cet indice doit être égal ou inférieur à 25 pour que la qualité de l’air soit considérée comme « bonne ». La qualité de l’air est considérée comme acceptable de 26 à 50, et comme mauvaise à partir de 51.

La mauvaise qualité de l’air est « due à la concentration élevée de particules fines dans l’air », explique Julien Chartrand, météorologue chez Environnement Canada. « Cette fois, elles proviennent des feux dans l’ouest du pays, contrairement à celles du Québec que nous avons déjà vues. »

Actuellement, ce sont le nord de l’Alberta et la côte est de la Colombie-Britannique qui sont principalement touchés par les incendies de forêt, incluant certains qui font rage depuis déjà deux mois. Alors, comment se fait-il qu’ils puissent affecter la qualité de l’air jusqu’au Québec ?

Cela s’explique grâce à un phénomène appelé « creux en altitude », répond Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie au département de géographie de l’UQAM. En fait, la fonte des glaces de la baie d’Hudson, dans le nord-est du Canada, génère des températures plus froides qui créent à leur tour un dôme d’air froid. Ce dôme « joue un rôle majeur dans la circulation de l’air », qui modifie les trajectoires habituelles des vents – et qui permettent à la fumée de l’Ouest d’aboutir au Québec.

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À son point le plus élevé de la journée, vers 15 h mardi, l’indice de la qualité de l’air était de 61.

Le court épisode de mardi a, bien évidemment, été de moindre importance que celui du 25 juin, où la qualité de l’air de Montréal était statistiquement la pire sur la planète. Mais il demeure à prendre au sérieux. Ce genre de fumée est dommageable à un certain degré pour tout le monde, mais plus particulièrement chez les asthmatiques ou les personnes atteintes de maladies pulmonaires.

« Tant et aussi longtemps que les feux ne vont pas s’arrêter » et « à moins qu’il y ait des précipitations abondantes », la population québécoise peut s’attendre à de nouvelles journées ponctuées de nuages de smog durant la saison estivale, commente Philippe Gachon.

En Colombie-Britannique, le porte-parole du BC Wildfire Service, Cliff Chapman, a affirmé à La Presse Canadienne que les prévisions des modèles météo « ne sont pas très belles pour le reste de l’été ».

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Un incendie de forêt fait rage près de Vanderhoof, en Colombie-Britannique.

« Compte tenu de la quantité d’éclairs que nous avons vus [en Colombie-Britannique] au cours des dix derniers jours et de la sécheresse que nous connaissons, nous avons un potentiel élevé d’incendies de forêt », précise-t-il.

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Smog sur Montréal, mardi

« Le monde entier nous regarde »

« À court terme, il y aura une amélioration », affirme Julien Chartrand, soutenant que le smog de Montréal devrait se dissiper mercredi. En fin de soirée mardi, la qualité de l’air était déjà « moyenne », selon IQAir. Ce sont les incendies qui dicteront le cours de l’été, pense-t-il lui aussi.

C’est de loin la pire année côté qualité de l’air pour le Québec. On n’a pas connu ça historiquement.

Julien Chartrand, météorologue chez Environnement Canada

« Le monde entier nous regarde. Je reviens d’Europe et plusieurs de mes collègues en parlent, raconte Philippe Gachon. Des feux comme ceux du Canada en ce moment, on n’a pratiquement jamais vu ça dans l’hémisphère Nord. »

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Des personnes observent le centre-ville de Montréal du mont Royal.

Seulement en 2023, plus de 10 millions d’hectares de forêts ont brûlé au Canada. Selon la Base de données nationales sur les forêts, les incendies qui y sévissent « détruisent en moyenne 2,1 millions d’hectares » annuellement.

« Nous venons de battre, pour mai et juin, les records des deux mois les plus chauds depuis le début des relevés météorologiques. 2023 pour le Canada, c’est exceptionnel », souligne le professeur Gachon.

Il est temps que le gouvernement se réveille, vraiment. C’est urgent. On doit passer à l’action. Est-ce que le Canada était préparé à des feux de cette envergure ? Poser la question, c’est y répondre.

Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie au département de géographie de l’UQAM

Philippe Gachon aimerait beaucoup voir les gouvernements fédéral et provincial unir leurs forces avec les universités pour « améliorer la capacité de recherche » sur le climat, lui qui qualifie le Canada de « cancre » en la matière. Il craint aussi qu’une certaine forme « d’amnésie collective » ne pousse la population à oublier les évènements de l’été – et les autorités à ne pas investir.

Au Québec, 101 incendies de forêt étaient toujours actifs, mardi en fin de soirée. Vingt-deux d’entre eux se trouvaient en zone intensive et 79 autres en zone boréale, rapporte la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

Avec La Presse Canadienne