L’agglomération de Longueuil pourrait rater son objectif de valorisation des matières organiques, ce qui lui fait craindre de perdre des millions de dollars promis par Québec pour financer l’agrandissement de l’usine de biométhanisation qui reçoit le contenu de ses bacs bruns, a appris La Presse.

« Il manque 15 000 tonnes de matières organiques par année pour atteindre nos cibles [et recevoir toute la subvention du gouvernement] », indique un document présenté aux élus siégeant à la Commission de l’environnement et de l’aménagement de l’agglomération, à la mi-septembre.

Les cinq villes de l’agglomération ont récolté 15 640 tonnes de matières organiques en 2022, ce qui veut dire qu’elles doivent pratiquement doubler la quantité récoltée d’ici l’échéance, que le document indique être la fin de 2027.

« Quand on analyse les faits, on se rend compte que c’est presque impossible à atteindre », estime le conseiller de Saint-Lambert Loïc Blancquaert, qui a perçu de la présentation le message que « le défi est considérable ».

La conseillère de Boucherville Anne Barabé y a plutôt vu « une lumière jaune qui s’allume », estimant qu’il est possible de redresser la barre à temps.

Les mesures sont là, tout est en place [pour y parvenir].

Anne Barabé, conseillère municipale de Boucherville

Subvention conditionnelle

Québec a financé l’agrandissement de l’usine de biométhanisation de la Société d’économie mixte de l’est de la couronne Sud (SEMECS), située à Varennes, pour qu’elle puisse recevoir, entre autres, les matières organiques des ménages de l’agglomération de Longueuil.

Le projet de 100 millions de dollars a reçu 65 millions du Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage (PTMOBC).

La subvention est assortie de deux conditions : desservir au moins 70 % des « unités d’occupation résidentielle » du territoire et traiter au moins 85 % de la quantité de matière organique prévue dans le projet au plus tard cinq ans après sa mise en service – la première condition est déjà remplie par l’agglomération de Longueuil.

Si l’objectif de 85 % n’est pas atteint en cinq ans, la subvention sera revue à la baisse, proportionnellement au taux de valorisation réalisé.

La Ville de Longueuil a refusé d’accorder une entrevue à La Presse.

« ll est trop tôt pour [dire s’il sera possible d’atteindre la cible], mais un plan d’action sera déposé prochainement à cet effet. », a indiqué par courriel Raphaël Larocque-Cyr, porte-parole de la Ville.

« De nombreuses actions sont en cours afin d’améliorer la qualité du tri des matières résiduelles », dont une « vaste campagne publicitaire » et une campagne porte-à-porte visant à améliorer la participation citoyenne, a-t-il ajouté.

Sauvée par les gros générateurs ?

L’agglomération de Longueuil pourrait toutefois toucher la subvention de Québec même si elle ne réussit pas à doubler la quantité de matières organiques récupérées auprès de ses ménages.

C’est que l’agrandissement de l’usine de biométhanisation de la SEMECS a aussi été prévu pour traiter des matières organiques provenant de clients privés du secteur des industries, commerces et institutions (ICI), qui sont de gros générateurs.

« Si je comble [le manque à gagner de Longueuil] avec les ICI, la subvention ne sera pas perdue », a expliqué à La Presse le directeur général de la SEMECS, Martin Goupil, qui dit n’avoir « aucune inquiétude » à cet égard.

« Il y a une différence entre mon contrat avec Longueuil et mon contrat avec le PTMOBC », a-t-il précisé.

De plus, tout indique que Longueuil aura plus de temps qu’il ne le croit pour atteindre sa cible, puisque l’échéance de la fin de l’année 2027 avait été établie en fonction d’une mise en service le 1er janvier 2023.

« C’était avant la COVID et la guerre en Ukraine », qui ont retardé le projet, dont la mise en service est maintenant prévue le 1er janvier 2024, ce qui repousserait l’échéance de cinq ans à la fin de 2028, explique Martin Goupil.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Les cinq villes de l’agglomération sont conjointement responsables d’atteindre la cible de récupération des matières recyclables, sans égard à leur performance individuelle.

Responsabilité partagée

Les cinq villes de l’agglomération sont conjointement responsables d’atteindre la cible de récupération des matières recyclables, sans égard à leur performance individuelle, et « Longueuil traîne la patte », déplore Loïc Blancquaert.

La Ville de Longueuil est celle qui envoie le plus de déchets à l’enfouissement, à 216 kilogrammes par habitant, contre 167 pour Saint-Lambert et 150 pour Brossard.

Longueuil a la particularité d’avoir « beaucoup de [bâtiments de] neuf logements et plus », fait valoir la conseillère longueuilloise Marjolaine Mercier.

« On est une ville un peu plus densifiée », dit-elle, soulignant que la collecte des matières organiques sera bientôt offerte aux édifices de neuf logements et plus et aux ICI desservis par les collectes municipales.

« Avec ça, on a plutôt bon espoir d’atteindre l’objectif [de récupération des matières organiques] », dit-elle.

À Brossard, la conseillère Sophie Allard ne s’inquiète pas outre mesure de l’atteinte de l’objectif, mais estime important que les cinq villes fassent chacune « un bilan annuel de leur situation [et] expliquent quels seront les moyens mis en place pour atteindre leur cible ».

En savoir plus
  • 85 000 tonnes
    Quantité de matières organiques que l’agrandissement de l’usine de biométhanisation de la SEMECS permettra de traiter
    source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
    35 000 tonnes
    Quantité de matières organiques que l’agglomération de Longueuil prévoit d’envoyer à l’usine de biométhanisation de la SEMECS
    source : Ville de Longueuil
  • 29 750 tonnes
    Cible minimale de 85 % à atteindre en cinq ans par l’agglomération de Longueuil
    source : Ville de Longueuil