Qui achète les terres agricoles au Québec et dans quel but ? Pour empêcher l’accaparement des terres, la spéculation et l’enfrichement, Québec doit créer un chien de garde responsable d’autoriser chaque transaction foncière agricole dans la province.

C’est que demande l’Alliance SaluTERRE – un regroupement qui compte parmi ses membres Équiterre, la Fédération de la relève agricole du Québec, la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique, Protec-Terre et Vivre en Ville – dans un mémoire qu’elle déposera ce mercredi dans le cadre de la consultation nationale visant à moderniser la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.

Cet organisme aurait le mandat d’évaluer si, par exemple, la transaction permettrait à l’acquéreur de s’établir aisément en agriculture, favoriserait une relève agricole diversifiée ou dynamiserait le tissu socio-économique rural.

La mise en place d’une telle entité pour protéger la vocation du territoire agricole est importante dans un contexte où les changements climatiques et les tensions géopolitiques menacent notre approvisionnement alimentaire, souligne Carole-Anne Lapierre, porte-parole de l’Alliance SaluTERRE.

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Carole-Anne Lapierre, porte-parole de l’Alliance SaluTERRE

« On mange trois fois par jour et on l’a vu pendant la pandémie, il y a des enjeux d’approvisionnement. On s’est rendu compte que dans le système alimentaire mondialisé, il y avait des fragilités. Et donc si on ne maintient pas une certaine autonomie alimentaire ici, on se met à risque d’un point de vue de la sécurité alimentaire », explique-t-elle.

Cet organisme pourrait prendre la forme d’une agence gouvernementale. Le mandat pourrait aussi être confié à la Commission de protection du territoire agricole, un tribunal administratif.

Création d’un observatoire

Adoptée en 1978, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles est l’héritage du plus célèbre ministre québécois de l’Agriculture, Jean Garon. Elle visait à mettre un frein à l’étalement urbain et à protéger les bonnes terres agricoles de la spéculation immobilière. Elle a ainsi délimité des « zones vertes » où il est interdit de construire des commerces ou des résidences autres que celles des agriculteurs qui exploitent la terre.

Même si la superficie de la zone agricole au Québec est stable depuis 30 ans, dans les faits, des terres ont pu être dézonées dans les plus importantes régions agricoles comme la Montérégie et Chaudière-Appalaches, tandis que des terres zonées agricoles se sont ajoutées dans des régions plus périphériques comme la Côte-Nord et le Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Au Québec, 2 % du territoire est exploité à des fins agricoles, mais de plus en plus de superficies sont laissées en friche.

Entre 2006 et 2021, 63 000 hectares sont tombés en friche au Québec, soit plus que la taille de l’île de Montréal (48 000 hectares).

Alors que Québec mène cette grande réflexion sur l’avenir de notre garde-manger, les données sur la propriété et l’usage des terres sont incomplètes ou disparates, déplore Carole-Anne Lapierre. Un peu comme si on avait mis la « charrue avant les bœufs », illustre-t-elle.

C’est pourquoi l’Alliance SaluTERRE propose la création d’un observatoire du foncier agricole, un organisme qui serait complètement indépendant et doté de pouvoirs d’enquête.

Sa mise en place permettrait par exemple de quantifier et d’étudier le phénomène de l’achat des terres par des non-agriculteurs.

Cet observatoire pourrait aussi répertorier des zones cultivables qui pourraient potentiellement être réintégrées à la zone verte.