La Société de transport de Montréal (STM) et la police de Montréal lanceront ce lundi une vaste campagne de visibilité contre le harcèlement de rue, un « problème répandu » dans la métropole, selon une récente étude. Divers affichages invitant les témoins à agir feront leur apparition dès le début de la semaine dans le métro et les bus.

Ce qu’il faut savoir

  • Les femmes, les jeunes de 18 à 24 ans, les personnes issues de la diversité et les minorités sexuelles sont surreprésentés dans les statistiques de harcèlement de rue.
  • La STM déploiera dès ce lundi une vaste campagne d’affichage invitant les témoins à agir.
  • Dans plus de 50 % des cas de harcèlement de rue, les victimes ne reçoivent aucune aide des témoins.

« Souvent, les gens ne savent pas comment réagir quand ça arrive. Nous, ce qu’on veut faire pour changer la situation, c’est offrir des outils très simples qui permettent à tous d’être solidaires des victimes et prévenir ces agressions-là », explique le président de la STM, Éric Alan Caldwell.

Il dit vouloir « rendre hommage » au travail du Centre d’éducation et d’action des femmes (CEAF), qui avait rendu public l’an dernier un rapport selon lequel près de deux Montréalais sur trois auraient subi du harcèlement de rue dans les 12 derniers mois.

Grâce à un sondage effectué auprès de plus de 3000 personnes, le rapport concluait que les personnes de la diversité de genre avaient rapporté dans une proportion de 84 % avoir fait l’objet de tel harcèlement, les jeunes de 18 à 24 ans, à 82 %, les minorités sexuelles, à 75 % et les femmes, à 69 %.

M. Caldwell affirme avoir été « frappé » par ces constats, mais aussi par plusieurs autres. « Par exemple, le fait que dans plus de 50 % des cas, les victimes ne reçoivent aucune aide des témoins. C’est cet enjeu que la campagne vise », soutient-il.

« On l’a déjà dit, le nombre de plaintes, globalement, pour la sécurité, il augmente. Mais souvent, le harcèlement de rue ne fait pas l’objet de plaintes. C’est un réel problème. Moi, je n’ai jamais été victime de harcèlement de rue, mais ce rapport-là m’a vraiment ouvert les yeux. Je fais partie des gens qui peuvent être un témoin actif, et on me donne les outils pour pouvoir le faire », ajoute le président.

« Témoins, agissons »

Panneaux dans le métro, publicités sur les autobus, campagnes numériques en ligne : la STM multipliera pendant les cinq prochaines semaines la diffusion d’un message central : « Témoins, agissons ». L’affichage renverra vers un site donnant une pléthore de conseils à une personne qui souhaiterait intervenir.

« Utilisez la distraction pour désamorcer la situation et éviter qu’elle ne dégénère. Cela pourrait permettre à la personne victime de s’éloigner. Vous pouvez demander l’heure à la personne victime, ou faire semblant de la connaître », suggère-t-on par exemple.

Pendant l’évènement, le témoin est aussi invité à « prendre en note les informations qui pourraient être utiles pour la victime », puisque celle-ci « pourra utiliser ces preuves si elle décide de porter plainte ».

Une « démarche interne » sera aussi lancée simultanément à la STM « pour sensibiliser et outiller les employés de première ligne ainsi que le service à la clientèle », dit M. Caldwell. Objectif : offrir un « accueil empathique » aux personnes victimes et un référencement vers des ressources d’aide et de soutien, dont Tel-Jeunes, Interligne ou encore Info aide violence sexuelle.

« On est entourés de gens qui peuvent aider. On a la chance, dans le métro de Montréal, d’avoir des ondes cellulaires, donc on peut toujours faire appel au 911 quand notre sécurité est menacée, mais on explique aussi comment interpeller le personnel de la STM quand des cas pareils surviennent », poursuit M. Caldwell.

Pas une solution unique

La STM reconnaît que sa campagne « n’est pas une solution unique ». Début mai, la STM avait annoncé l’embauche d’ici novembre d’une vingtaine de nouveaux constables spéciaux, ou inspecteurs, afin de patrouiller dans le métro et les bus.

Une vingtaine de préposés à l’entretien supplémentaires seront également en fonction d’ici l’été, afin de rendre le réseau plus propre, notamment à Berri-UQAM. Dès l’été, de nouveaux agents de sûreté débarqueront aussi dans le métro afin de détecter des situations potentiellement problématiques. Ils ne pourront toutefois intervenir auprès d’usagers.

Dans son rapport, l’an dernier, le CEAF avait également recommandé à la Ville et à la STM d’interdire les « publicités sexistes » dans les emplacements d’affichage qui leur appartiennent. « Si on vit dans une société qui projette et promeut une image hypersexualisée du corps des femmes ou une image stéréotypée des personnes racisées ou autochtones […], ça s’inscrit dans l’imaginaire collectif et ça s’inscrit dans le temps », avait soulevé l’une des auteures, Audrey Simard.

À ce sujet, la STM répond que ses annonceurs sont tenus de respecter le Code canadien des normes en publicité, mais que Transgesco, son fournisseur, « n’a aucun droit de censure au-delà des règles qui encadrent les publicités au Canada ». « Il s’agit d’un système public de publicité. Nous pouvons tenter de sensibiliser les annonceurs, mais notre pouvoir s’arrête là », soutient le porte-parole, Philippe Déry.

Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard, La Presse