L’heure était aux déménagements, samedi, sur l’île de Montréal. Dans des rues jonchées de cartons et de meubles usagés, les locataires ont été nombreux à quitter leur chez-soi pour un nouvel appartement. Malgré les défis, le moral était bon, sur le trajet effectué par La Presse.

Les changements d’adresse, au Québec, sont devenus une tradition du 1er juillet. Mais en pleine crise du logement, il n’est pas toujours facile de trouver ce qu’on cherche. Ni de le faire dans des délais raisonnables.

Sur le terrain, les exemples sont faciles à trouver. Vincent Espanol, rencontré alors qu’il quittait son logement de Villeray, a parlé d’un sentiment d’impuissance.

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Vincent Espanol (à gauche) quittait son logement de Villeray, samedi.

Tu ne sais pas où tu vas habiter pendant des mois, tu cherches… C’est vraiment stressant. Puis tu commences à baisser tes standards pour des trucs qui ne valent pas vraiment leur prix.

Vincent Espanol

« On n’a pas trop eu ce qu’on voulait dans le quartier qu’on voulait. L’appart est quand même bien, mais on voulait rester dans Villeray, Beaubien, le Mile End », ajoute-t-il, prévoyant déjà répéter l’exercice l’année prochaine.

C’est un peu la même histoire pour Laurie Weinstein, qui passait de Ville-Marie à Verdun. Elle et sa partenaire ont eu besoin d’une quinzaine de visites avant de trouver un logement convenable, ce qui a pris « plusieurs mois ».

Son père, Jay, est venu d’Atlanta pour l’aider à déménager. « Pour quelqu’un qui vient de l’extérieur, ça n’a aucun sens que tout le monde se déplace la même journée, a-t-il ri. Ils ne devraient pas mettre des heures de sortie ou d’arrivée ? »

Une mauvaise surprise…

Pour Magalie Gélinas, ç’a été moins complexe. Elle a signé un nouveau bail avec sa sœur au mois de février, afin de se rapprocher du travail et du collège Ahuntsic, où elle étudie.

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Magalie Gélinas a déménagé près du collège Ahuntsic, où elle étudie.

C’est plutôt en arrivant sur place qu’elle a eu une mauvaise surprise : l’ancienne locataire n’avait pas quitté les lieux. « Il n’y avait aucune boîte de faite et il y avait encore de la vaisselle sale sur le comptoir ! Elle est encore dans son lit ! », s’est-elle exclamée.

Ses amis, qui étaient venus l’aider, ont été obligés de tout laisser dans le couloir, en attendant de trouver une solution avec le propriétaire.

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Le déménageur Jean-Sébastien Mongeon (à gauche)

Pour d’autres, ce sont les souvenirs qui ont été durs à laisser derrière. Le déménageur Jean-Sébastien Mongeon, qui discutait avec La Presse pendant qu’il déplaçait des boîtes, transportait les affaires d’un homme qui occupait le même appartement depuis dix ans.

« Il devait partir parce que son enfant grandissait. Il était émotif, on le voyait dans ses yeux, raconte-t-il. Il avait quand même des choses de valeur, il voulait qu’on emballe tout. Et ça nous fait plaisir. »

680 ménages sans bail

À la veille du 1er juillet, il y avait 680 ménages sans bail et accompagnés par les services de leur municipalité au Québec, a indiqué à La Presse Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Cet organisme collige chaque année des données sur les locataires sans logis.

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Beaucoup de rebuts et de meubles ont été abandonnés sur les trottoirs, en ce jour de déménagements.

Il y avait aussi 178 ménages hébergés par les services d’aide d’urgence des municipalités le 1er juillet, selon la Société d’habitation du Québec (SHQ).

« D’année en année, on la sent la détresse qui augmente, a souligné la mairesse Valérie Plante, en point de presse samedi. Et quand je vous dis qu’on la sent, c’est réel. Des gens viennent nous voir, disent qu’ils ne savent pas comment ils vont trouver un loyer, qu’ils sont désespérés ou inquiets des rénovictions. »

« Et ça, c’est sans compter les milliers de familles qui vont emménager dans un logement trop cher ou qui ne correspond pas à leurs besoins », a pour sa part souligné le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, en point de presse samedi matin.

Ce qu’on vit aujourd’hui, c’est juste la pointe de l’iceberg. Combien de ménages restent dans des logements insalubres parce qu’il n’y a pas d’autre option ? Combien de gens vont être dans un logement trop petit pour eux ?

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Afin de « calmer la crise », M. Nadeau-Dubois encourage notamment le gouvernement à instaurer un registre des loyers, ce qui a été demandé par un collectif de maires et de mairesses mercredi.

Ce bilan pourrait aussi changer dans les prochains jours, au fur et à mesure que les locataires sans logement se manifesteront, explique Véronique Laflamme. « Dans les dernières heures, des ménages auront réussi à signer un bail et d’autres qui avaient espéré jusqu’à la dernière minute risquent de s’ajouter. »

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse