La victime, vêtue d’un gilet de sauvetage orange fluo, flotte à la surface de l’eau, après être tombée de son embarcation. Elle est localisée par les pompiers de l’Unité de sauvetage nautique qui arrivent à vive allure dans leur puissant bateau Titan, puis ralentissent à son approche. Après avoir pris position du bon côté, en tenant compte du courant, des membres de l’équipe hissent la personne en détresse à bord à l’aide d’une perche.

Heureusement, il y a peu de vagues à la surface de l’eau. Mais les pompiers doivent parfois intervenir la nuit, dans des conditions venteuses, orageuses, pluvieuses.

Nous sommes à l’entrée du lac des Deux Montagnes, en amont de l’endroit où se rejoignent les rivières des Prairies et des Mille-Îles, entre l’île Bizard et Pointe-Calumet. Pour s’y rendre, les pompiers de la caserne 57 du Service des incendies de Montréal (SIM) ont dû quitter leur caserne de Pierrefonds, se rendre à leur quai, dans un quartier résidentiel, monter dans leur embarcation et contourner l’île Bizard, en passant par les rapides Lalemant et en évitant le petit traversier qui, accroché à son câble, permet d’accéder à Laval.

Ils ont pu se rendre beaucoup plus rapidement sur les lieux grâce aux nouveaux bateaux de sauvetage Titan, qui sont graduellement mis en service dans les huit casernes nautiques du SIM depuis mai dernier.

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Des pompiers de l’Unité de sauvetage nautique de la caserne 57 hisse un mannequin à bord de leur bateau Titan lors d’une simulation d’opération de sauvetage.

« Ces bateaux-là, ce sont des Ferrari. Ça ne se compare pas à ce qu’on avait avant », souligne Frédéric Cournoyer, chef aux opérations à la division des opérations nautiques, fier de montrer tous les équipements dont sont dotés les Titan pour aider lors des opérations de sauvetage et de recherches, comme une ancre virtuelle et un système de bathymétrie pour analyser le fond de l’eau.

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Les bateaux Titan sont munis de nombreux équipements technologiques pouvant aider aux opération de sauvetage, dont un système de bathymétrie qui permet d’analyser le fond de l’eau.

Les représentants de La Presse ont pu assister, avec des représentants de la division des opérations nautiques, à une simulation d’opération de sauvetage avec les nouvelles embarcations, la semaine dernière. La victime était en fait un mannequin, utilisé pour les activités de formation.

Éviter un nouveau drame

Sur les huit casernes nautiques du SIM, six ont reçu jusqu’à maintenant des formations pour utiliser les Titan. « Il faut une formation approfondie, parce qu’il y a beaucoup de systèmes électroniques à maîtriser, » signale le chef de division du centre de formation, Martin Guilbault.

Douze embarcations de ce type ont été achetées par la Ville de Montréal, au coût de 6,8 millions.

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Douze bateaux Titan ont été achetés par la Ville de Montréal pour ses huit casernes ayant une équipe de sauvetage nautique.

La décision a été entérinée par le conseil d’agglomération en septembre 2021, trois semaines avant l’accident qui a coûté la vie au pompier Pierre Lacroix, au cours d’une opération de sauvetage dans les rapides de Lachine. Les bateaux Hammerhead, comme celui impliqué dans l’accident mortel, ont été mis hors service après la mort du pompier.

La CNESST et le Bureau du coroner, qui ont enquêté sur le drame, ont déploré la formation déficiente des pompiers, ainsi que des problèmes posés par le bateau de sauvetage et les autres équipements utilisés, en émettant des recommandations pour que le SIM améliore ses pratiques lors des interventions nautiques. Selon des rapports subséquents de la CNESST, le SIM a agi pour améliorer l’entraînement des pompiers et leur connaissance des plans d’eau.

Quand ils sont intervenus pour porter secours à un plaisancier dans les rapides de Lachine, Pierre Lacroix et les autres membres de son équipe se trouvaient en fait dans une zone non balisée d’environ 14 kilomètres où ils n’auraient pas dû intervenir.

Les responsables de la division des opérations nautiques n’ont pas voulu aborder la question en entrevue.

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Le lieutenant Bertrand Charrier communique avec une seconde équipe de sauvetage lors de la simulation à laquelle La Presse a assisté.

Danger aux rapides du Cheval blanc

En revanche, ils ont manifesté leur inquiétude à la suite de la décision de la Garde côtière canadienne (GCC) de retirer des balises de navigation dans les rapides du Cheval blanc, dans la rivière des Prairies, entre Pierrefonds et Laval.

« On ne peut plus aller avec nos bateaux dans les rapides, maintenant qu’il n’y a plus de balises, c’est trop dangereux », explique Frédéric Cournoyer, évoquant le risque de heurter des hauts-fonds ou des roches.

Si des plaisanciers se trouvent en difficulté dans ce secteur, les pompiers doivent trouver une autre façon de les secourir, avec des cordes ou un hélicoptère, par exemple. La décision de la Garde côtière a aussi amené le SIM à conclure avec le service d’incendie de Laval une entente sur les mesures d’intervention dans le secteur.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Dorénavant, au moins deux embarcations seront déployées en cas d’opération dans ces rapides. Le SIM acheminera une deuxième unité nautique par voie terrestre, soit en amont, soit en aval, selon les besoins.

La GCC indique avoir retiré les balises parce qu’elles n’étaient pas fiables et que « la navigation dans une zone dangereuse comme les rapides du Cheval blanc n’est pas une pratique jugée sécuritaire ».

« La GCC désire prévenir les usagers du secteur des dangers que représentent les rapides du Cheval blanc plutôt que de les encourager à les franchir. Deux bouées d’avertissement portant la mention DANGER seront maintenues en aval et en amont des rapides pour assurer la sécurité de la population. Les avertissements de navigation ci-dessous ont également été émis pour signaler l’absence des aides à la navigation et des annonces d’abandon définitif du service seront publiées sous peu », écrit la porte-parole de la GCC, Émilie Proteau-Beaulieu, dans une réponse écrite.

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Le Titan, « ça ne se compare pas à ce qu’on avait avant », souligne Frédéric Cournoyer, chef aux opérations à la division des opérations nautiques.

Malgré ces mises en garde, des plaisanciers continuent de s’aventurer imprudemment dans le secteur, déplorent les pompiers. Ils martèlent d’ailleurs l’importance d’adopter des comportements sécuritaires pour quiconque veut passer du temps sur l’eau.

« Des gens partent en planche à pagaie ou en bateau sans préparation et sans savoir où ils s’en vont, sans porter de gilet de sauvetage, avec de la bière dans le bateau, signale Martin Guilbault. Il faut plutôt s’assurer du bon entretien de son embarcation, vérifier la météo, avoir un plan et informer un proche de notre itinéraire. Beaucoup de plaisanciers ne prennent pas ces précautions. Et nous, malheureusement, quand on doit intervenir, on voit les conséquences de ce manque de préparation. »