Le milieu du transport collectif attend les décideurs de pied ferme cette semaine alors que s’ouvre ce mercredi à Lévis le colloque annuel de l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ). Selon son président, les « grandes attentes » de l’industrie devront être comblées par des engagements chiffrés, mais surtout prévisibles.

« On ne veut pas rejouer dans le même film. On veut que ça change. Tout le monde a de grandes attentes et tous les espoirs sont là présentement », explique à La Presse Marc Denault, qui est à la tête de l’ATUQ, mais aussi de la Société de transport de Sherbrooke (STS).

Son groupe organise ce mercredi et jeudi l’un des rendez-vous les plus attendus en transport collectif de l’année. Des sociétés de transport, des contractants et des regroupements d’usagers sont attendus au colloque, qui survient à la sortie d’une pandémie ayant causé un trou béant dans les finances des sociétés de transport. Le déficit appréhendé par l’industrie est de 900 millions d’ici 2027.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, doit faire une allocution jeudi. Selon nos informations, elle n’y dévoilera pas sa réforme du financement du transport collectif tant attendue, mais pourrait donner quelques signes de ses intentions.

Dès le départ, Mme Guilbault avait prévenu de son intention de « rationaliser » les dépenses. Au gouvernement, on indique en coulisses que des négociations doivent encore avoir lieu avec le ministère des Finances pour dégager les sommes disponibles. Un scénario en deux temps, avec une nouvelle aide d’urgence suivie d’un plan sur cinq ans à proprement parler, est envisagé.

Plusieurs dates à venir

Au cours des jours qui suivront le colloque, le 16 octobre, les sociétés de transport rencontreront la ministre Guilbault à son bureau. Plusieurs d’entre elles participeront ensuite au Forum 2023 de la future Politique de mobilité durable (PMD) du gouvernement du Québec, le 20 octobre. « En moins de deux semaines, on parle de trois rendez-vous très importants », résume M. Denault.

Dans sa mouture 2018-2023 de la PMD, le gouvernement avait chiffré à 5 % la cible d’augmentation annuelle du niveau de service à travers le Québec. Cet objectif a toutefois été mis à mal par la COVID-19.

Pour maintenir la cadence et rattraper le retard, la prochaine PMD « devrait donc viser un minimum de 7 % d’augmentation par année à l’échelle du Québec, et prévoir des fonds conséquents pour y parvenir », ont soutenu une vingtaine de maires et mairesses du Grand Montréal dans une lettre ouverte la semaine dernière.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’ATUQ

S’il n’y a pas de réel coup de barre qui est donné, plusieurs sociétés de transport qui sont en pleine progression de leur achalandage vont devoir faire face à une baisse de service.

Marc Denault, président de l’ATUQ

À Sherbrooke, par exemple, M. Denault anticipe « une réduction de l’ordre de 20 % » si l’aide gouvernementale ne change pas.

« Ça surviendrait alors qu’on est en pleine croissance. C’est une période cruciale pour les sociétés de transport, qui déposeront bientôt leurs demandes aux villes. Et devoir se limiter, ça ne serait pas du tout cohérent avec notre volonté collective de diminuer les émissions de GES », persiste M. Denault.

Des chiffres, mais aussi des moyens

Selon lui, la solution passe surtout par un plan clair. « La réalité, malgré plein de bonnes intentions, c’est que le gouvernement ne s’est pas doté de moyens pour atteindre ses objectifs. Là, il faut travailler de façon cohérente à l’adoption d’une politique dans laquelle tout chiffre qui va être avancé serait appuyé de moyens pour y arriver, parce que sinon, c’est irréaliste », avance encore M. Denault.

Il faut réviser nos programmes de financement. Ceux-ci n’ont trop souvent pas été indexés et prévisibles dans les dernières années.

Marc Denault, président de l’ATUQ

L’aide de 400 millions offerte le printemps dernier par le gouvernement Legault au transport collectif, dans son budget annuel, ne sera pas suffisante, prévient le gestionnaire. L’argent n’a d’ailleurs pas encore été distribué.

« Dans l’Ouest, chez BC Transit, les transferts provinciaux sont de 48,1 %, alors que si on regarde l’état des budgets qu’on avance pour 2024, ici, la contribution du Québec est à environ à 20 % de certains budgets. On a encore beaucoup de chemin à faire. Moi, je crois à la volonté de la ministre Guilbault de changer les choses, mais il faut aussi que tout le gouvernement et le Conseil des ministres y croient », note Marc Denault.

En savoir plus
  • 30 %
    Dans la prochaine décennie, les investissements au Plan québécois des infrastructures sont de l’ordre de 31,5 milliards dans le réseau routier, contre 13,8 milliards en transport collectif, soit un ratio de 70 % contre 30 %. Comme plusieurs autres organismes, l’ATUQ appelle Québec à entamer un rattrapage de son engagement, qui avait été pris lors de son élection en 2018, de rééquilibrer les investissements dans le réseau routier et celui du transport collectif.