La police de Montréal veut envoyer un électrochoc aux conducteurs inattentifs. Dans une campagne inédite, elle diffusera chaque matin des images de collisions impliquant des piétons ou des cyclistes sur un camion publicitaire, au moment où 12 piétons ont déjà perdu la vie cette année dans la métropole.

« Ce qu’on veut, c’est de faire réagir les gens à la vulnérabilité des usagers qui traversent devant eux et s’assurer de faire changer le comportement collectif », lance le sergent de la Section sécurité routière du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Jean-Bruno Latour, en entrevue avec La Presse.

Une première opération de visibilité s’est tenue lundi et se répétera jusqu’à vendredi. Elle se fait essentiellement en deux temps : d’abord, au coin des rues d’Iberville et de Bellechasse, les automobilistes voient un piéton traverser l’intersection avec un panneau où on peut lire « Regardez-moi ! ».

Puis, au feu suivant, soit à l’intersection de la rue d’Iberville et du boulevard Rosemont, un camion publicitaire diffuse sur un écran une scène d’accident impliquant ce même piéton, qui porte les mêmes vêtements et la même pancarte, afin d’être clairement reconnaissable.

  • D’abord, au coin des rues d’Iberville et de Bellechasse, les automobilistes voient un piéton traverser l’intersection avec un panneau où on peut lire « Regardez-moi ! ».

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    D’abord, au coin des rues d’Iberville et de Bellechasse, les automobilistes voient un piéton traverser l’intersection avec un panneau où on peut lire « Regardez-moi ! ».

  • Au feu suivant, soit à l’intersection de la rue d’Iberville et du boulevard Rosemont, un camion publicitaire diffuse sur un écran une scène d’accident impliquant ce même piéton, qui porte les mêmes vêtements, afin d’être clairement reconnaissable.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Au feu suivant, soit à l’intersection de la rue d’Iberville et du boulevard Rosemont, un camion publicitaire diffuse sur un écran une scène d’accident impliquant ce même piéton, qui porte les mêmes vêtements, afin d’être clairement reconnaissable.

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Au bout du compte, la réponse des automobilistes, affirme M. Latour, « est souvent très intéressante ». « Les gens voient ça et sont un peu interloqués et surpris de voir la collision juste après. Ils nous posent des questions et on en profite pour les sensibiliser. On veut surtout faire prendre conscience aux conducteurs que les piétons sont surreprésentés dans les collisions mortelles », dit-il.

12 de trop jusqu’ici

Jusqu’ici, en 2023, 22 collisions mortelles sont survenues et 12 piétons ont perdu la vie lors de ces évènements, selon les données actualisées en date de vendredi dernier du SPVM. L’an dernier, 20 piétons avaient perdu la vie à Montréal lors de 29 collisions mortelles distinctes.

À ce jour, on compte 28 piétons blessés gravement en 2023, contre 71 pour l’année précédente entière. Ce bilan se complète par 518 piétons ayant été blessés légèrement pour l’instant cette année, contre 861 au total en 2022. À pareille date, l’an dernier, 10 piétons étaient morts, 39 avaient été gravement blessés et 505 légèrement blessés.

C’est beaucoup trop. Il faut absolument corriger la situation et faire en sorte qu’il y ait moins de collisions avec les piétons.

Jean-Bruno Latour, sergent de la Section sécurité routière du SPVM

Tout cela est organisé à l’occasion du Mois du piéton, qui bat son plein en octobre. Après vendredi, le camion publicitaire diffusant les images circulera ensuite pendant quelques jours sur les grands axes routiers de Montréal.

« On a du travail à faire sur tous les usagers, mais c’est évident que le plus dangereux, c’est toujours le plus lourd, donc on doit travailler de façon primaire sur la prévention des collisions dont les automobilistes sont responsables. C’est encore plus vrai pour les véhicules lourds, qui ont de très grands angles morts et qui n’ont pas besoin de vitesse pour causer des grandes collisions », ajoute M. Latour.

Il prévient que « le changement d’heure, la noirceur qui vient plus vite, les feuilles et la pluie de l’automne » sont autant de choses auxquelles les gens « devront se réadapter » dans les prochaines semaines.

Chez Piétons Québec, la directrice générale Sandrine Cabana-Degani salue l’effort du SPVM, surtout que « d’Iberville, c’est une artère particulièrement dangereuse, c’est presque une autoroute urbaine ». Son organisme tient d’ailleurs à Drummondville lundi et mardi un Sommet québécois afin de proposer des solutions concrètes « pour favoriser la marche dans les milieux de vie ».

On trouve ça intéressant que le SPVM fasse ce genre de campagne – ça a déjà fonctionné par le passé avec l’alcool au volant –, mais on sait aussi que la sensibilisation, ce n’est pas suffisant. Il faut aussi agir sur la configuration de ces rues-là et faire des aménagements le plus vite possible.

Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec

Un bilan marquant

En juin, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) révélait dans son bilan annuel que l’an dernier, 392 personnes sont mortes sur le réseau routier, ce qui constitue le pire bilan dans la dernière décennie à travers tout le Québec.

Du nombre, on comptait à ce moment 79 piétons, un bond à ce chapitre d’approximativement 44 % en une année et de 23 % par rapport à la moyenne des quatre années précédentes. Il faut remonter à 2007 pour avoir un bilan aussi lourd du côté des piétons.

La situation a depuis poussé la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, à présenter une Stratégie nationale en sécurité routière au mois d’août. Québec veut notamment augmenter les amendes pour des infractions commises contre les piétons et les cyclistes, mais aussi sur les chantiers. Mme Guilbault entend aussi réduire la vitesse en zone scolaire et augmenter de façon importante le nombre de radars photo.

En date du 30 juin 2023, 144 personnes avaient perdu la vie sur les routes de la province, selon de récentes données préliminaires de la SAAQ, soit le même nombre que durant les six premiers mois de 2022.