De vives tensions ont déchiré en coulisse les acteurs du transport en commun de la métropole l’an dernier, paralysant même le financement de la Société de transport de Montréal (STM) pendant un mois. Une situation qui s’était déjà produite par le passé.

C’est ce qu’a révélé l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal, lundi, à l’occasion du témoignage du patron de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

L’organisation a retenu pendant tout le mois de mai 2023 ses transferts aux opérateurs de transport en commun, totalisant des millions de dollars, parce que ceux-ci tardaient à fournir certaines données. C’est l’ARTM qui récolte tous les revenus liés à la vente d’abonnements et de billets.

« Il y a eu retenue des [paiements aux] quatre organismes publics de transport en commun pendant un mois et par la suite, ça s’est réglé avec des interventions politiques pour faire en sorte qu’on puisse disposer des données », a reconnu Benoit Gendron, directeur général de l’ARTM.

Cette décision a déclenché la colère de la STM. « Je tiens à exprimer ma grande inquiétude quant au manque de transparence et d’ouverture que démontre votre organisation à notre égard », a écrit la directrice générale Marie-Claude Léonard, dans une lettre obtenue par l’opposition officielle à l’hôtel de ville, via l’accès à l’information. Le document est daté du 25 mai dernier. « La retenue du montant provisoire du mois de mai […] est injustifiée et occasionne des défis de gestion de la trésorerie et des coûts de financement inutiles. »

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La directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard

« Votre décision de retenir le versement provisoire ne respecte pas les mécanismes de collaboration que nous avons convenus », ajoutait la lettre.

La STM assurait avoir fourni toutes les informations nécessaires. Ce n’était pas l’avis de l’ARTM. « L’exemple que je donne souvent : on connaît le nombre de personnes qui circulent sur le REV [piste cyclable] Saint-Denis, mais on ne connaissait pas le nombre de personnes qui empruntaient la ligne [de bus] 31 sur la rue Saint-Denis », a rapporté M. Gendron.

Le patron de l’ARTM a assuré que les relations s’étaient grandement améliorées entre son organisation et les opérateurs de transport en commun.

« Il y a une nette amélioration », a-t-il dit, devant le conseil municipal. « Disons qu’on a traversé, dans les premières années de la nouvelle gouvernance, des périodes plus tumultueuses. Mais je pense que tout ça est derrière nous. L’ensemble des acteurs doivent travailler de concert pour trouver des solutions aux enjeux de financement. » « Pendant qu’on se chicane, ça fait l’affaire d’autres personnes », a-t-il ajouté.

Toujours lundi, la STM a elle aussi fait valoir que la situation s’était améliorée.

« La lettre fait état de divergences administratives que nous avons en effet connu avec l’ARTM au printemps dernier. Celles-ci ont été adressées depuis », a indiqué le service des communications de l’organisation.

« Comme mentionné par notre président et le DG de l’ARTM lors du conseil municipal, ces divergences sont derrière nous, continuait le courriel. La collaboration avec l’ARTM est une priorité pour nous. Toutes nos équipes travaillent en ce sens, et ce, au bénéfice des clients du transport collectif. »

Un enjeu qui date

Selon nos sources, le même genre de conflit a par ailleurs eu lieu à d’autres reprises dans les dernières années, le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) ayant aussi manqué de certaines données pour transmettre des fonds à l’ARTM, qui les redistribue ultimement aux sociétés de transport.

Un versement du Ministère datant de 2022 qui était voué à une société de transport du Grand Montréal n’a par exemple pas encore été fait, puisque la reddition de comptes de 2021 n’avait pas été transmise.

Québec serait aussi en attente de données actualisées sur l’achalandage afin de procéder à un second versement plus global, touchant le maintien des actifs pour 2023, à l’ARTM. Bref, « plusieurs sociétés de transport » – et pas uniquement la STM – tardent encore aujourd’hui à transmettre de précieuses informations, a indiqué une source bien au fait du dossier qui n’est pas autorisée à en parler publiquement.

Ces nouvelles révélations surviennent alors que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, lancera bientôt des audits de performance sur chacune des dix sociétés de transport afin de poser un « diagnostic réel » sur leur gestion financière. Un appel d’offres visant à déterminer la firme externe qui réalisera cette évaluation s’est terminé le 11 janvier dernier. Un contrat devrait être octroyé incessamment.