La Ville de Montréal vient d’être condamnée à verser un million de dollars au recycleur Ricova pour avoir été trop intransigeante dans la gestion d’un contrat de collecte des bacs bleus.

La métropole a violé « son obligation de bonne foi » en retenant des paiements dus à l’entreprise sans raison valable, la poussant au bord de la faillite, a déterminé la Cour supérieure. Ricova, qui détenait jusqu’à récemment un quasi-monopole sur le recyclage à Montréal, entretient des relations orageuses avec l’hôtel de ville.

Dans le cas devant la justice, les problèmes découlent d’erreurs commises de chaque côté. En 2018, la Ville de Montréal émet un appel d’offres pour la collecte de recyclage dans quatre arrondissements. Le document sous-évalue de façon importante le nombre de portes dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. L’erreur est rectifiée dans un second document, mais Ricova prépare sa soumission sur la base du premier en omettant de consulter la correction. Son prix est donc beaucoup plus bas que ses concurrents. Elle remporte le contrat.

Rapidement après la signature, Ricova et Montréal se rendent toutefois compte du problème : l’entreprise perd entre 70 000 $ et 100 000 $ par mois en ramassant le recyclage dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, selon la décision du juge Martin F. Sheehan datée de la mi-janvier.

Après des négociations, la Ville accepte de retourner en appel d’offres. Elle exige toutefois à Ricova de payer pour les cols bleus qui doivent effectuer une partie de la collecte à sa place, ainsi que pour la différence entre le montant auquel elle avait soumissionné et le montant du nouveau contrat. Elle ajoute aussi des pénalités. Ricova refuse de payer, mais ces montants sont retenus sur d’autres factures de l’entreprise payables par Montréal.

« Ricova a fait de son mieux »

Ce comportement de la Ville était inadéquat, a déterminé le juge Sheehan.

« Faire travailler une entreprise sans paiement sur des contrats qui ne font pas l’objet d’un litige alors que l’on sait qu’elle subit des pertes de 70 000 $ à 100 000 $ par mois depuis sept mois ne respecte pas les exigences minimales de la bonne foi », a-t-il écrit. « L’ensemble de la preuve démontre que Ricova a fait de son mieux dans les circonstances. »

« Les gestionnaires de la Ville ont eux-mêmes qualifié leur gestion contractuelle de “rigide” », a continué le magistrat. « Aucune solution n’a été proposée à Ricova. »

La Cour supérieure a déterminé que Montréal avait le droit d’imposer des pénalités à Ricova et de lui exiger une indemnité pour le travail de ses cols bleus. Elle n’avait toutefois pas le droit de réclamer la différence entre le montant de sa soumission et le montant que Montréal a finalement dû payer. C’est ce montant – d’un peu plus d’un million – que la Ville devra rembourser à l’entreprise.

« Nous n’avons aucun commentaire pour l’instant », a indiqué Ricova par courriel. « Le Service des affaires juridiques analyse actuellement le jugement rendu », a expliqué la Ville de Montréal, qui « ne formulera aucun commentaire ».

Selon la Cour supérieure, Montréal doit adapter ses procédures pour éviter qu’un tel problème se répète. « L’adoption d’une pratique qui viserait à déceler les erreurs des soumissionnaires avant l’octroi des contrats en présence d’écarts importants entre eux ou entre les soumissions et les estimations internes apparaît recommandable », a écrit le juge Sheehan.