Dans l’est de Montréal, le quartier Mercier pâtit lui aussi des travaux dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Pour un organisme qui réclame du changement, le déversement de la voie rapide Souligny vers l’axe Honoré-Beaugrand « a un impact terrible sur le quotidien depuis maintenant un an ».

« Ça a complètement bousillé le réseau des autobus, qui sont obligés de faire des détours incroyables. Mais surtout, ça a créé une circulation très importante dans le quartier. Ni le gouvernement du Québec ni la Ville n’ont donné de coup de main », dénonce le vice-président du Collectif en environnement Mercier-Est, Daniel Chartier, en entrevue avec La Presse.

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Intersection de la rue Honoré-Beaugrand et de l’avenue Souligny, en octobre 2022

Selon lui, le pire a jusqu’ici été évité, mais « les risques d’accident ou des accidents graves évités à la dernière seconde, c’est constant ». « Régulièrement, on voit des gens qui se font quasiment passer sur les orteils. C’est comme si on attendait une catastrophe pour agir », s’inquiète encore le résidant.

L’arrondissement a déjà mis des poteaux dans la rue pour sécuriser les abords d’une école, mais ce n’est pas suffisant.

Daniel Chartier, vice-président du Collectif en environnement Mercier-Est

Globalement, les mesures d’atténuation liées au transport collectif – qui ont essentiellement été des navettes spéciales déployées à partir de la Rive-Sud – auraient aussi pu être « mieux planifiées », soutient la directrice de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon.

« On s’y est pris cinq minutes d’avance, ç’a été fait à la dernière minute. On gagnerait collectivement à mieux planifier les mesures d’atténuation en amont des chantiers routiers », dit Mme Doyon, qui déplore par ailleurs vivement le retrait de l’accès au covoiturage dans la voie réservée du tunnel. « Là encore, ç’aurait pu être mieux réfléchi. Il n’y avait peut-être pas assez de surveillance policière », songe-t-elle.

Au-delà de la circulation, les critiques sont aussi nombreuses quant à la surveillance de l’état du tunnel. « Si le gouvernement avait planifié les travaux depuis plusieurs années, sachant que le tunnel a de grandes lacunes d’étanchéité et de structure, il y aurait eu moins de pression sur les travailleurs de l’industrie, ainsi que sur les entrepreneurs. On aurait certainement aussi subi beaucoup moins de problématiques liées à la santé et la sécurité du travail », estime Éric Boisjoly, directeur de la FTQ-Construction.

Il n’est pas le premier à tenir ce genre de propos. L’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ) a aussi évoqué par le passé un « manque d’inspection dans le suivi du comportement de l’ouvrage ». Québec, de son côté, a soutenu que rien n’aurait pu prévenir la nécessité d’effectuer ces travaux, la structure datant des années 1960 étant dans un cycle de dégradation normal.

8000 véhicules de plus vers le sud

Le lancement du chantier du tunnel La Fontaine a aussi eu des conséquences collatérales sur le pont Samuel-De Champlain. « Pour nous, le gros de l’impact, c’est vers le sud », explique Martin Chamberland, porte-parole du Groupe signature sur le Saint-Laurent, qui gère la structure.

Depuis la mise en phase au niveau de la rue Sherbrooke qui a entraîné la perte d’une voie, en avril 2022, on voit un déséquilibre en direction sud. Ce sont environ 8000 véhicules de plus vers le sud que le nord.

Martin Chamberland, porte-parole du Groupe signature sur le Saint-Laurent

L’achalandage moyen a aussi augmenté dans la dernière année, passant d’environ 140 000 à 150 000 passages. Cette hausse globale, le groupe « l’attribue toutefois plutôt à la baisse du télétravail, de la rentrée, du retour à l’université et au bureau, donc les hausses saisonnières habituelles », estime M. Chamberland. « Le tunnel a peut-être joué, mais ce n’est pas la cause primaire pour nous. »

À ses yeux, c’est surtout la planification des travaux qui a changé. « Depuis le mégachantier, ça demande une meilleure coordination avec Mobilité Montréal quand on veut faire des travaux, parce que quand ils ferment le tunnel Ville-Marie ou l’échangeur Saint-Pierre, on sent tout de suite l’impact », conclut le porte-parole.

Questionné sur le sujet, le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) a indiqué qu’il devrait faire un bilan public de la première année du mégachantier à la fin du mois d’octobre. Son porte-parole, Gilles Payer, a refusé de s’avancer davantage.

Réactions politiques

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André A. Morin, critique libéral en matière de transports

Pourquoi ne pas ajouter un radar photo sur la 25 Nord comme les usagers dépassent souvent la limite de vitesse de 50 km/h ? N’attendons pas un accident, il vaut mieux prévenir que guérir. Il faut aussi augmenter la fréquence de la navette service santé en dehors des heures de pointe.

André A. Morin, critique libéral en matière de transports

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Étienne Grandmont, critique solidaire en matière de transports

Le retrait des voies de circulation routière n’a pas causé de congestion monstre puisqu’on a ajouté en contrepartie une offre de transports en commun attrayante. La ministre Guilbault doit considérer rendre permanentes ces mesures.

Étienne Grandmont, critique solidaire en matière de transports

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Joël Arseneau, critique péquiste en matière de transports

Nous avions proposé de rendre le transport collectif gratuit dans l’est de Montréal et d’augmenter la fréquence des autobus. Le gouvernement a manqué d’ambition et de volonté de ce côté-là.

Joël Arseneau, critique péquiste en matière de transports