Pour ouvrir leur clinique, les docteurs Alami-Laroussi et Amer-Ouali, qui forment un couple – et sont accessoirement parents de cinq enfants –, ont dû passer à travers un véritable parcours du combattant. Et la bataille de la survie n’est pas gagnée pour la clinique, un organisme à but non lucratif qui dépend du succès de collectes de fonds.

Combien cette clinique hors du commun, qui s’occupe avec brio d’une clientèle difficile, reçoit-elle en subvention annuelle du ministère de la Santé ? Zéro dollar.

Les démarches pour ouvrir la clinique ont commencé en 2016. L’ouverture s’est faite cinq ans plus tard. « Il a fallu défoncer des murs, dit Farid Amer-Ouali. Tout est compartimenté. L’Office des professions ne permet pas à un groupe communautaire de posséder et d’exploiter une clinique privée. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le Dr Farid Amer-Ouali, l’un des deux fondateurs de la clinique, en discussion avec un dentiste bénévole lors de la journée pro bono organisée une fois par mois.

Les deux médecins étaient déjà propriétaires d’une clinique de dentisterie pédiatrique depuis 2009. « On voyait qu’il y avait beaucoup de besoins. On est partis à la recherche d’un modèle, avec pour clientèle cible les enfants qui n’ont pas accès aux soins », ajoute la Dre Alami-Laroussi.

En 2018, ils ont enregistré l’OBNL comme organisme de bienfaisance et se sont dotés d’un conseil d’administration. Et puis, la clinique a pris forme. Les frais sont très importants : il y a sept salles de dentiste, avec tout l’équipement. Coût de l’équipement : 50 000 $ par salle.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La dentiste Tasnim Alami-Laroussi, à l’œuvre avec des étudiants en médecine dentaire lors de la journée pro bono organisée par la clinique.

La clinique est également dotée d’un centre éducatif et d’une employée qui fait de la prévention.

C’est ici que la différence se fait. On fait du marketing dentaire. Si on leur vend de bonnes habitudes de vie, ils auront moins besoin de nous dans la vie.

La Dre Tasnim Alami-Laroussi, cofondatrice de la clinique Sourires solidaires

Le gaz hilarant, l’équivalent d’un anxiolytique pour enfants, est un incontournable pour ce genre de clientèle. Les salles sont toutes équipées avec un distributeur. Même chose pour les radiographies : pas question de déplacer un enfant pour lequel on a travaillé fort pour le faire s’asseoir dans une chaise. Les deux médecins ont même une chaise de dentiste pliable pour faire des traitements hors site.

« Parfois, les parents n’ont pas les ressources pour se déplacer ici, alors nous, on peut le faire. On peut aller dans un organisme, dans un évènement, dans un parc… »

Les deux médecins ont eu des subventions de fonds régionaux et municipaux pour le démarrage, mais pas de fonds pour le fonctionnement. « Le reste, c’est notre argent, et des dentistes donateurs, souligne Tasnim Alami-Laroussi. Nous n’avons aucune subvention récurrente. On ne pourra pas financer ça pendant dix ans… On aimerait avoir une reconnaissance des gouvernements. »

Que paie la RAMQ ?

La Régie de l’assurance maladie du Québec paie les soins dentaires – examens et traitements curatifs – jusqu’à ce que les enfants aient 10 ans. « Mais la gestion de comportement, il n’y a pas de code RAMQ pour ça. Ce sont des rendez-vous beaucoup plus longs, il faut savoir leur parler. Ça peut parfois prendre deux rendez-vous pour se rendre à la bouche… et rien de tout cela n’est remboursé », explique la Dre Alami-Laroussi.

Pour les enfants de plus de 10 ans, la RAMQ ne rembourse rien. Les familles prestataires de l’aide sociale sont couvertes par le régime public, mais les familles qui gagnent un petit salaire, et se retrouvent souvent sous le seuil de la pauvreté, peinent donc à se payer les frais d’un dentiste.

En plus, les rendez-vous de prévention, qui peuvent éviter bien des réparations à long terme, ne sont pas non plus remboursés. Or, ils peuvent être fréquents et plus longs avec une clientèle d’enfants à besoins particuliers.