(Québec) Les services correctionnels composent avec un « manque aigu » de personnel, ce qui a des « conséquences directes » sur les détenus. Certains ont été jusqu’à 36 heures sans quitter leur cellule, constate le Protecteur du citoyen. Il presse Québec d’encadrer l’isolement administratif.

La pénurie de main-d’œuvre affecte sans surprise plusieurs ministères et organismes, mais la problématique est particulièrement « inquiétante » dans le milieu carcéral. Un poste d’agent correctionnel sur cinq n’est pas pourvu dans les prisons du Québec.

« Des personnes sont demeurées dans leur cellule pour des périodes prolongées au seul motif qu’on manquait de personnel », écrit le Protecteur du citoyen dans son rapport annuel, déposé jeudi à l’Assemblée nationale. Cela « porte atteinte aux droits des personnes incarcérées », dit-on.

Dans son rapport, le Protecteur du citoyen « presse » le ministère de la Sécurité publique (MSP) « d’intensifier ses efforts de recrutement » pour remplir ses obligations « prioritairement en matière de respect des droits des personnes incarcérées ».

Le ministère de la Sécurité publique dispose de 3023 postes réguliers d’agents correctionnels, dont près du quart n’étaient pas comblés (vacant : 12,6 %, ou employé en absence prolongée : 10,8 %), en date du 31 mars.

Selon une directive du ministère de la Sécurité publique, sauf exception, toute personne incarcérée devrait se voir accorder un minium quotidien de deux heures à l’extérieur de sa cellule.

Or, le Protecteur du citoyen a constaté que des détenus sont demeurés dans leur cellule pendant plus de 24 heures, parfois même jusqu’à 36 heures de suite. « Durant ces périodes de confinement, les personnes n’ont accès ni au téléphone, ni aux visites, ni à la douche, ni aux activités de formation, de sports ou de réinsertion sociale », écrit-on dans le rapport.

Selon les règles de droit international, l’isolement cellulaire ne doit être utilisé qu’en dernier recours et le moins de temps possible. Le maintien en cellule pour des périodes prolongées peut avoir des « conséquences majeures » sur le détenu, comme l’apparition d’anxiété, de troubles cognitifs et de paranoïa, souligne-t-on.

Plus une mesure d’exception

« Le Protecteur du citoyen constate depuis plusieurs années que cette mesure d’exception est trop souvent utilisée et que la situation va en s’aggravant en raison du manque de personnel dans la plupart des établissements de détention », soutient le Protecteur du citoyen.

Il demande à Québec d’encadrer par voie réglementaire l’isolement administratif. Le MSP a apporté « plusieurs modifications » depuis 2023, notamment en élaborant un projet d’instruction provinciale sur la mise en isolement. Or, ce projet qui a été mis à jour en décembre 2022 « n’est toujours pas satisfaisant », note-t-on dans le rapport.

L’insuffisance de personnel a aussi conduit des établissements à annuler les visites au parloir. Un établissement a même été forcé de fermer le parloir des visites à 30 reprises sur une période de quatre mois.

La pénurie a aussi des effets sur le personnel du milieu carcéral. Le Protecteur du citoyen note que les gestionnaires délaissent leur tâche pour remplacer des agents ou encore doivent imposer des quarts de travail de 16 heures consécutives.

En savoir plus
  • 4749
    Le nombre de plaintes traitées en 2022-2023 par le Protecteur du citoyen concernant les services correctionnels
    SOURCE : Protecteur du citoyen