« La vie d’un Lavallois ne vaut pas moins que celle d’un Montréalais. » C’est par cette déclaration choc que le maire de Laval, Stéphane Boyer, a dénoncé lundi « l’injustice » que subit sa ville en matière de financement contre la violence armée. Il soutient que l’aide de 20 millions octroyée par Québec arrive « trop peu, trop tard ».

« En 2022, le ratio de meurtres par 100 000 habitants était de 2,73 à Laval, alors qu’il était de 2,32 à Montréal. Pendant ce temps-là, à la veille du déclenchement des élections provinciales, Québec annonçait une aide de 250 millions pour la ville de Montréal, mais rien pour Laval », a dénoncé lundi M. Boyer.

La sortie du maire était d’autant plus étonnante qu’il était alors aux côtés du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel. Ce dernier venait d’annoncer l’investissement de 20 millions à Laval permettant d’ajouter 20 agents dans son service de police dans le but de combattre la violence armée.

Cette somme, dit M. Boyer, est toutefois bien trop maigre. Il affirme avoir demandé à Québec dès le lendemain des élections « d’obtenir une aide comparable à celle reçue par Montréal au prorata de sa population, soit environ 60 millions ».

« D’annoncer un an plus tard une somme trois fois moins importante, c’est trop peu, trop tard et surtout injuste pour nos citoyens. La vie d’un Lavallois ne vaut pas moins que celle d’un Montréalais », a tonné le maire de Laval, qui suggère comme « solution » au gouvernement de puiser dans les 85 millions octroyés par Ottawa dans le cadre du programme fédéral contre la violence armée.

Si le taux d’homicide de Laval a été supérieur à celui de Montréal en 2022, il reste que le taux global de criminalité de la métropole est nettement plus élevé que sa voisine depuis au moins un quart de siècle. Les données du ministère de la Sécurité publique du Québec font état d’un taux de 3910 crimes par 100 000 habitants à Montréal en 2021, contre 3063 à Laval.

40 % moins de policiers

Le maire de Laval affirme avoir dû « réduire ses ambitions » en raison du « chèque trois fois plus petit ». « La prochaine étape de notre plan, c’était d’augmenter le ratio de policiers par habitant pour avoir un ratio comparable à celui de Québec. […] L’aide demandée de 60 millions devait financer cette prochaine étape. »

« C’est malheureusement la municipalité qui devra allonger les sommes manquantes, ce que Montréal n’aura pas à faire », a-t-il persisté, en faisant valoir que Laval doit faire face à un défi comparable de violence armée « avec presque 40 % moins de policiers ».

Selon les données avancées par la Ville, le ratio de policiers pour 1000 habitants est de 1,37 à Laval, contre 2,3 à Montréal.

M. Boyer a directement interpellé le bureau du premier ministre François Legault en disant comprendre que « l’argent manque et que les priorités abondent ». « Je suis bien conscient que cette sortie publique ne vous plaira pas, sachez que je n’ai aucun plaisir à la faire, mais si je décide de le faire aujourd’hui, c’est que depuis un an déjà, on tente de corriger l’injustice en privé », a-t-il dit.

Québec demeure prudent

Appelé à réagir lors de la conférence de presse, le ministre François Bonnardel est demeuré très prudent.

« On est conscients des statistiques qui ne sont pas plaisantes. On est conscients qu’on vit une situation difficile en termes de violence armée, de saisie d’armes, mais on est aussi persuadés que l’ajout de ces 20 policiers va donner un coup de main énorme au Service de police de Laval », a-t-il rétorqué, en ajoutant ne pas vouloir « faire état des discussions » entre son ministère et la Ville de Laval.

Par écrit, le cabinet de M. Bonnardel souligne que le problème de la violence armée « doit être regardé dans son ensemble ». « C’est important pour tous les partenaires de travailler de manière constructive et collaborative », fait valoir l’attachée de presse, Geneviève Tremblay. En coulisses, on fait aussi clairement valoir que le ministre ne souhaite pas entrer dans une « dynamique d’opposition ».

Le ministre responsable de la région Christopher Skeete, qui était aussi sur place, a de son côté parlé « d’enjeux particuliers » à Laval.

Il a aussi reconnu devoir rendre compte de cette réalité à l’Assemblée nationale en faisant de « l’éducation auprès de mes collègues ». « Cela dit, mon collègue [François Bonnardel] a toute ma confiance », a réitéré M. Skeete, évoquant des « impératifs très difficiles » à balancer.