Abdulla Shaikh s’amusait à « faire sauter » les autres patients, lors d’un séjour en psychiatrie à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval. Il a proféré des menaces de mort à l’endroit d’un psychiatre et la cour lui a également interdit de s’approcher d’un préposé aux bénéficiaires. C’est ce qui ressort, jeudi, des audiences tenues dans le cadre de l’enquête publique concernant le meurtre de trois personnes par Abdulla Shaikh.

Abdulla Shaikh a été hospitalisé à trois reprises entre 2018 et 2021 pour traiter sa schizophrénie. Dans les trois cas, le patient n’a jamais reconnu sa maladie et était réticent à prendre ses médicaments. Il se montrait néanmoins poli et acceptait que les médecins contactent sa famille, au besoin.

Lors de son troisième séjour à l’hôpital, les psychiatres ont toutefois commencé à remarquer des signes de personnalité antisociale. « Il devait être confiné à sa chambre parce qu’il contestait les soins. Il influençait négativement les autres patients les plus vulnérables, il les faisait sauter, entre guillemets », a expliqué le psychiatre Martin Vézina.

« Il s’amusait à voir des codes blancs, c’est-à-dire des moments d’agitation. Ça le faisait même rire », a-t-il ajouté lors de son témoignage devant la coroner Géhane Kamel.

Les 2 et 3 août 2022, Abdulla Shaikh a abattu trois personnes au hasard à Laval et Montréal. Le 4, il a été tué par les policiers du Service de police de Montréal dans le motel où il se cachait. André Lemieux, Mohamed Belhaj et Alex Lévis-Crevier ont perdu la vie lors de cette cavale meurtrière.

Le DMartin Vézina doute toutefois qu’Abdulla Shaikh ait agi lors d’un épisode de schizophrénie. Lors de ses crises antérieures, Shaikh se désorganisait, il avait de la difficulté à parler, conduisait vite, s’agitait, avait des délires d’empoisonnement. « C’était des red flags. On le voyait venir », a-t-il expliqué.

À l’inverse, les gestes commis à Laval et Montréal étaient organisés, a-t-il avancé. « [C’est] un geste prémédité de longue date avec un objectif précis. Il avait plusieurs armes. Ce n’est pas du tout typique d’une psychose. On est plus dans l’ordre de quelqu’un qui a un trouble de personnalité, qui veut faire mal et qui planifie ses gestes », a dit le psychiatre, précisant qu’il ne sera jamais possible de poser un vrai diagnostic.

Plus tôt dans la journée, le psychiatre Simon Roussel a présenté une étude nationale qui révèle que les patients psychiatrisés impliqués dans des crimes ont deux fois plus de chances de récidiver au Québec qu’en Ontario ou en Colombie-Britannique. Les patients sont aussi gardés en détention moins longtemps au Québec et leurs suivis en psychiatrie sont plus courts.

La veille, le médecin a lu une lettre qu’il a fait parvenir au CISSS de Laval pour dénoncer le manque de psychiatres, en août 2022. Une lettre similaire a été envoyée à Lionel Carmant, le ministre responsable des Services sociaux, un an plus tard. Normalement, l’hôpital de la Cité-de-la-Santé doit compter 60 psychiatres ; ils ne sont que 18, dont 4 avec des allègements de tâches, à l’heure actuelle.