Non seulement le Hells Angels Claude Gauthier a échoué dans sa tentative de faire casser son verdict de culpabilité en Cour d’appel, celle-ci a décidé qu’il passera plus de temps au pénitencier.

Gauthier, membre de la section de Trois-Rivières, a été déclaré coupable de gangstérisme, complot, trafic de stupéfiants et recel, et a été condamné à neuf ans d’emprisonnement à l’issue d’une enquête de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) contre un réseau de trafiquants de stupéfiants qui opérait à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Lors du prononcé de la peine en avril 2021, le juge de première instance a évalué la période de temps passée en détention préventive à 1291 jours, dont un crédit COVID de 195 jours, faisant en sorte qu’il lui restait 5 ans et 5 mois à purger.

Entre 2020 et 2022, un crédit COVID basé sur un ratio de 1,5 jour pour chaque journée de détention préventive était alloué aux personnes incarcérées, en raison des conditions de détention plus difficiles.

La Poursuite et la Défense ont toutes deux porté la cause en appel. La Poursuite s’opposait au crédit COVID de 195 jours accordé à Gauthier alors que la Défense contestait le verdict de culpabilité et la peine de neuf ans, arguant que sa condamnation est déraisonnable.

Le doute raisonnable

Gauthier affirmait notamment que le juge de première instance s’est trompé « dans son cheminement intellectuel en ne lui faisant pas bénéficier du doute raisonnable sur certains des éléments composant la preuve circonstancielle ». Le motard contestait également les inférences tirées par le juge.

Pa exemple, Gauthier affirmait qu’il n’y avait aucune preuve que le responsable du réseau, Pascal Facchino, lui ait remis de l’argent, qu’il existait un lien hiérarchique entre lui et Facchino, que ce dernier devait payer des redevances aux Hells Angels, que les Hells Angels de Trois-Rivières contrôlent le secteur de Saint-Jean-sur-Richelieu, que les Hells Angels se sont distancés des activités de trafic de stupéfiants tout en gardant le contrôle et que Gauthier possédait un téléphone qui contenait un logiciel de type PGP (communications cryptées).

Le motard arguait également que le juge de première instance aurait dû se prononcer sur la valeur probante des conservations interceptées par les policiers durant l’enquête et que celles-ci étaient en partie inaudibles, incompréhensibles ou incomplètes.

Mais la Cour d’appel a rejeté la quasi-totalité de ses arguments, citant notamment des témoignages de policiers experts des motards entendus lors des procédures.

« Pour les raisons que je viens d’exprimer, j’estime qu’aucun des moyens soulevés par l’appelant ne donne prise à l’intervention de la Cour. La seule inférence raisonnable qu’on puisse tirer à partir de la preuve circonstancielle présentée en première instance est celle que l’appelant est coupable de ce dont on l’accuse, », écrit notamment le juge Guy Gagnon dans une décision de 44 pages rendue publique mardi après-midi.

Pouvoirs outrepassés

Quant au crédit COVID de 195 jours, il a été calculé et alloué, dans le cas de Gauthier, le jour du prononcé de la peine.

La Cour d’appel conclut qu’il aurait dû être débattu lors de la détermination de la sentence, donc avant le prononcé de celle-ci, et que le juge de première instance « n’avait pas le pouvoir de consentir un crédit au-delà de ce que la loi prévoit déjà ».

Par conséquent, la Cour annule ces 195 jours de crédit, faisant en sorte que Gauthier devra rester au pénitencier un peu plus longtemps avant d’être admissible à une libération conditionnelle.

« On est très satisfait de la décision. Les motifs sont détaillés et auront une incidence importante sur tous les dossiers de criminalité organisée, notamment sur l’appréciation de la preuve d’expert », a déclaré à La Presse MIsabelle Poulin, procureure au Bureau de la grande criminalité et des affaires spéciales du DPCP.

Les avocates de Gauthier, MMylène Lareau et MAnnie Lahaise, n’ont pas voulu commenter la décision pour le moment.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.