(Québec) La réplique « inusitée » de la juge Joëlle Roy à une chronique de La Presse laisse Simon Jolin-Barrette « perplexe ». Le ministre de la Justice s’en remet à la juge en chef de la Cour du Québec pour décider si des sanctions disciplinaires s’imposent.

« J’ai pris connaissance de ça dans le journal. Ce sont des déclarations qui me laissent assez perplexe », a réagi M. Jolin-Barrette au sortir de la période des questions, mercredi. Le ministre est particulièrement inquiet du fait que des victimes possibles dans des causes d’agressions sexuelles n’ont pu témoigner lors d’un procès puisque la juge n’était pas apte à siéger après la publication d’une chronique d’Yves Boisvert.

« Je pense aux personnes victimes qui devaient aller témoigner ce matin-là, et le procès n’a pas eu lieu. Je suis fortement préoccupé relativement au fait que les victimes auront à revenir témoigner », a dit le ministre.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

Je m’attends à ce que le système de justice puisse accueillir [les victimes] et puisse les considérer avec respect en s’assurant que lorsque c’est la journée du procès pour les personnes victimes, elles puissent témoigner.

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

La Presse rapportait mercredi que la juge Joëlle Roy s’était exprimée sur la chronique d’Yves Boisvert dans laquelle il remettait en question le jugement de la magistrate de la Cour du Québec, dont les décisions ont été maintes fois infirmées par les tribunaux d’appel. La juge Joëlle Roy a offert sa réplique en pleine salle d’audience au lendemain de la parution du texte.

« Je trouve ça tellement injuste. Si vous pensez que je suis une incompétente, faites votre requête en récusation tout de suite », a-t-elle lancé aux avocats. Elle qualifiait la chronique d’« attaque personnelle […] très vicieuse ». Elle s’est aussi dépeinte comme une femme victime de « violence ». Incapable de siéger, la juge a donc reporté le procès d’un homme accusé d’avoir agressé sexuellement ses filles.

Le ministre a réitéré mercredi l’indépendance de la magistrature et s’en remet donc à la direction de la Cour du Québec pour « analyser la situation » qu’il a lui aussi qualifiée d’« inusitée ». La juge en chef « a tous les pouvoirs », a-t-il rappelé, sans vouloir commenter la teneur des propos de la juge Roy ni se prononcer sur d’éventuelles sanctions disciplinaires.

« De mon expérience de ministre, depuis les trois dernières années, c’est la première fois que je vois ce genre de situation », a-t-il affirmé. « Il y a une séparation qui existe. Le ministre n’a pas d’autorité sur les juges. Les juges sont indépendants, ils font leur travail en toute indépendance, et […] en tout respect de l’indépendance de la magistrature, ça doit être traité par la direction de la Cour », a-t-il ajouté.

Le bureau de la juge en chef n’avait mercredi aucun commentaire à formuler, a-t-on indiqué à La Presse.

Selon le Code de déontologie de la magistrature, le juge doit « faire preuve de réserve, de courtoisie et de sérénité ». La « sérénité » de la juge Roy pourrait être remise en question, selon deux experts consultés par La Presse. La juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, est en poste jusqu’au 26 octobre. C’est Henri Richard qui lui succédera.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse