Un jeune homme qui a reconnu avoir poignardé mortellement son père lors d’une dispute l’an dernier a été condamné à une peine clémente de sept ans de détention jeudi, après le récit poignant des sévices que lui infligeait la victime, un tenancier de bar tyrannique, alcoolique et violent.

« C’est un dossier qui se distingue de 99,9 % des dossiers », a souligné la procureure de la Couronne, MClaude Berlinguette-Auger, pour expliquer la suggestion commune d’une peine de sept ans, convenue avec la défense dans le cadre de la reconnaissance de culpabilité de l’accusé pour homicide involontaire. Dans des dossiers comparables, les peines vont habituellement de 9 à 12 ans de pénitencier.

« Nous avons affaire à une situation particulière », a toutefois reconnu la juge de la Cour supérieure Lyne Décarie.

La victime dans cette affaire, Ahmad Shoaib, possédait le Pub Shoby, un établissement du Quartier latin. Père de cinq enfants, il avait immigré au Canada du Pakistan avec sa famille et avait connu un certain succès en affaires, qui assurait la stabilité financière du clan.

Dans des lettres déposées en cour, les frères et sœurs de l’accusé ont toutefois décrit leur père comme « un alcoolique belliqueux qui maltraitait constamment tous les membres de la famille, tant verbalement que physiquement ». Au cours des années précédant sa mort, des membres de la famille ont appelé dix fois au 911 en raison de l’attitude agressive du père. Ce dernier battait sa femme et ses enfants.

Soûl et irrité

Au petit matin, le 24 juin 2022, Ahmad Shoaib est revenu à la maison « soûl et irrité », toujours selon le résumé déposé en cour. Il a commencé à être agressif, physiquement et verbalement, avec un de ses fils. Il menaçait de lui couper les vivres, voire de le tuer.

Farhan Shoaib, alors âgé de 21 ans, s’est interposé et a pris la défense de son frère. La colère de l’homme s’est alors tournée vers lui. Il a menacé de l’expulser de la maison, une éventualité qu’il évoquait souvent.

Farhan Shoaib était le plus jeune enfant de la famille. Ses frères et sœurs ont raconté dans leurs lettres déposées au tribunal qu’il avait particulièrement souffert de la violence physique et verbale de son père.

L’accusé a été décrit comme un jeune homme calme et timide qui s’occupait des chats errants dans la ruelle et vivait de plus en plus reclus dans sa chambre pour éviter son père.

Le matin de la dispute, alors que son père éructait de rage, il est allé chercher un couteau dans sa chambre au sous-sol. « Il gardait un couteau, car il avait peur de son père, en raison de son comportement belliqueux et agressif », précise le résumé écrit des faits.

Lorsque Farhan Shoaib est remonté, son père se tenait en haut de l’escalier. Il a poussé son fils. Ce dernier a répliqué en le poignardant trois fois à l’abdomen.

Ahmad Shoaib a rendu l’âme quelques heures plus tard à l’hôpital. Des examens ont révélé un taux d’alcool dans le sang très élevé, ainsi que des traces de kétamine, d’éphédrine et de pseudoéphédrine.

Soutien de la famille

Dans une lettre adressée à son fils et déposée en preuve, la mère de l’accusé et femme du défunt a raconté avoir déjà tenté de quitter son mari, qui avait déjà tenté de l’étrangler. Mais elle n’avait pu se rendre au bout de sa démarche. « Au Pakistan, il n’y a aucun respect pour une fille divorcée », a-t-elle précisé dans sa lettre.

Elle a intimé à son fils de tenir bon pendant ses années de détention et de refaire sa vie par la suite. « Je veux que tu lises de bons livres si tu peux », a-t-elle déclaré.

Je t’aime et je t’aimerai toujours.

Extrait de la lettre de la mère de l’accusé

« Ce qui est exceptionnel ici, c’est que tous les membres de la famille soutiennent l’accusé », a souligné l’avocat de ce dernier, MEric Sutton.

La juge Lyne Décarie s’est dite d’accord avec la suggestion d’une peine de sept ans, après avoir pris connaissance des lettres « très éloquentes » des membres de la famille.

« Je veux vous souhaiter bonne chance, et souhaiter bonne chance aux membres de la famille. J’espère que vous pourrez passer à autre chose, pour le mieux, désormais », a-t-elle déclaré.

En soustrayant le temps qu’il a passé en détention préventive, il reste cinq ans de pénitencier à purger à Farhan Shoaib. Si tout se déroule bien, il pourra demander une libération conditionnelle au tiers de sa peine.