La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) dénonce le dépôt d’accusations criminelles contre deux de ses militants, qui ont brièvement occupé le bureau de circonscription de Pierre Fitzgibbon, la semaine dernière, dans le cadre des manifestations du Front commun. La Sûreté du Québec affirme que des « bris » de matériel ont été constatés sur les lieux après les évènements.

Le blocage du bureau de Terrebonne aurait duré en tout une trentaine de minutes. Les policiers ont rapidement été appelés sur place.

Jeudi, plus d’une semaine après les faits, le conseiller syndical Esteben Harguindeguy, responsable de la mobilisation à la FTQ pour le secteur public, un des organisateurs de l’évènement, a été convoqué par un inspecteur de la section des Crimes majeurs la Sûreté du Québec (SQ). Il a été officiellement accusé de méfait et d’introduction par effraction, deux accusations de nature criminelle.

Pour être libéré, il a dû s’engager à respecter certaines conditions, dont « ne pas aller dans les bureaux de comtés de députés de la Coalition avenir Québec ». La SQ confirme qu’une deuxième personne a aussi été visée par des accusations semblables.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU SYNDICAT DE L'ENSEIGNEMENT DE LA RÉGION DES MOULINS

Intervention de la police lors de l’occupation du bureau de circonscription de Pierre Fitzgibbon, la semaine dernière

« C’est stupéfiant, commente M. Harguindeguy, qui dit avoir organisé au moins une vingtaine d’occupations de bureaux politiques semblables en carrière. C’est la première fois de ma vie que j’ai des accusations », assure-t-il.

Dès le début de l’action, je suis moi-même allé voir les policiers pour leur donner mon nom et mon numéro de téléphone. On avait un porte-voix pour dire aux personnes qu’elles étaient libres de [partir] et que c’était une manifestation pacifique.

Esteben Harguindeguy, responsable de la mobilisation à la FTQ pour le secteur public

Plainte à la police

Mathieu St-Amand, le directeur des communications du ministre Pierre Fitzgibbon, confirme qu’une plainte a été faite par son personnel au Service de police de la Ville de Terrebonne après l’occupation, « selon les recommandations de l’Assemblée nationale », dont relèvent les bureaux de circonscription des députés. « Ils [les syndiqués] sont rentrés de force. Ils ont peut-être poussé un peu fort », a commenté M. St-Amand, sans donner plus de détails. L’enquête a ensuite été transférée à la SQ.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La SQ affirme que des « bris » auraient été constatés après le passage des manifestants. « Ils ont utilisé un subterfuge pour entrer à l’intérieur », ajoute le porte-parole Benoît Richard.

Le front commun syndical, composé de la FTQ, de la CSN, la CSQ et l’APTS, affirme que le gouvernement Legault a déposé d’autres plaintes semblables contre des militants à la suite d’autres manifestations, notamment après l’occupation des bureaux de Bernard Drainville.

M. Harguindeguy assure que l’occupation des locaux de M. Fitzgibbon n’avait rien de violent. Les premiers manifestants qui sont arrivés ont prétexté vouloir signer des cartes de membres de la Coalition avenir Québec pour entrer dans l’immeuble, indique le conseiller syndical. « On m’accuse d’entrée par effraction, alors que je suis probablement le 39e sur 40 manifestants à être entré dans les bureaux. »

Une stratégie fréquemment utilisée

L’occupation temporaire de bureaux politiques est une stratégie très fréquemment utilisée par les syndicats et différents groupes de pression. En octobre dernier, environ 800 syndiqués du front commun ont occupé le siège social de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans le cadre de leurs moyens de pression. Aucune personne n’a fait l’objet d’accusations à cette occasion. Plus récemment, l’occupation du bureau de circonscription de Justin Trudeau, dans l’arrondissement Villeray, s’est toutefois conclue par l’arrestation de sept manifestants propalestiniens pour entrave au travail des policiers.

« Les manifestations pacifiques sont un droit, mais elles doivent se faire dans le respect des lois. Les policiers ont fait enquête et nous faisons confiance aux tribunaux pour faire la lumière sur les évènements », a réagi le cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, en soirée.

Une chose est certaine : les gestes d’intimidation envers le personnel de l’Assemblée nationale et les méfaits, c’est tolérance zéro. Peu importe le contexte.

Extrait d'une déclaration du cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel

Le dépôt d’accusations criminelles « dépend beaucoup des circonstances », souligne l’avocate criminaliste Arij Riahi, qui a souvent représenté des manifestants arrêtés dans un contexte de revendication. « L’infraction de méfait implique généralement un aspect de vandalisme ou de perte de jouissance des lieux », souligne-t-elle, qui devra être évaluée dans le cadre d’un procès.

L’interdiction de retourner dans des bureaux de la Coalition avenir Québec imposée au conseiller syndical de la FTQ ne lui semble pas anormalement large. « Habituellement, lorsqu’il y a accusation, une des conditions de libération est de ne pas retourner sur les lieux du crime allégué », souligne l’avocate.

Sans commenter directement l’affaire, la Ligue des droits et libertés (LDL) indique que les occupations de bureaux de politiciens sont généralement tolérées dans le cadre de manifestations à caractère politique. « Les actions directes font partie de la démocratie et servent à attirer l’attention du public sur des enjeux quand les gens ont l’impression de ne pas être entendus par les politiciens », commente la coordonnatrice Laurence Guénette.

« Quand on est un élu, on peut s’attendre à certains actes de perturbation. Tant que l’intégrité physique des personnes n’est pas mise en jeu, il faut accepter des perturbations comme celle-là », croit-elle.

Rectificatif 
Une version précédente de ce texte indiquait erronément que le personnel de Pierre Fitzgibbon a porté plainte à la Sûreté du Québec. La plainte a plutôt été faite au Service de police de la Ville de Terrebonne.