Les mesures concernant la COVID-19 ont disparu aux frontières depuis un an déjà, mais des Québécois ayant séjourné à l’étranger pendant qu’elles étaient en vigueur continuent de recevoir de lourdes amendes. Beaucoup ont maintenant l’impression d’avoir été floués à leur retour au pays.

En janvier 2022, Samia Plante prend la route jusqu’à Hartford, dans le Connecticut, avant de s’envoler pour la Floride. « La pandémie avait été difficile et on voulait passer un bon moment en famille », raconte la mère de deux enfants.

« On savait très bien quelles étaient les conditions de voyage. On avait fixé nos rendez-vous [à la clinique de prélèvement] avant même de partir », dit-elle. À l’époque, il fallait présenter à l’entrée au pays un test PCR réalisé dans les 48 heures, mais les conditions évoluaient sans cesse, ce qui alimentait une certaine confusion (voir encadré).

C’est donc à Fort Lauderdale que se font tester Mme Plante, son conjoint, François Gravel, et leurs deux enfants avant de s’envoler de nouveau pour Hartford. Or, les résultats des tests de la petite famille ont mis plus de temps que les 48 heures usuelles pour être connus. À son arrivée à la frontière terrestre canadienne, on lui suggère d’attendre qu’arrivent les résultats, ce qu’elle fait. On lui assure par le fait même que, ce faisant, elle montrerait « sa collaboration et sa bonne volonté ».

Malheureusement, le lendemain, on n’avait toujours pas reçu nos résultats. On savait qu’on pouvait entrer au pays tout de même, ce qu’on a décidé de faire en se soumettant à toutes les conditions qu’on nous a imposées.

Samia Plante

Mme Plante reconnaît qu’elle a alors été informée de la possibilité d’une amende et qu’elle a reçu un avis de non-conformité. « Ce serait faux de dire qu’ils ne nous l’ont pas dit. » Ce qu’elle déplore, toutefois, c’est le manque de transparence à la frontière.

« On nous a fait comprendre verbalement qu’on avait montré un comportement exemplaire et qu’on n’avait pas à s’inquiéter, que c’était une formalité de nous en aviser. » Pourtant, 18 mois plus tard, Mme Plante et son conjoint se sont chacun vu remettre un constat d’infraction assorti d’une amende de 5000 $, en plus de 1250 $ de frais. Les enfants, eux, ont été épargnés.

Depuis, elle et son mari ont plaidé non coupable. La Couronne leur a offert de payer une seule des deux amendes, ce qu’ils ont refusé. Leur cas doit se retrouver devant le tribunal début novembre.

« Comme deux détenus »

Pour Mariette Lauzon, la mauvaise surprise est arrivée au retour d’un voyage en France, en novembre 2021. Bien consciente qu’il lui fallait subir un test PCR pour rentrer au pays, elle s’est rendue peu avant son vol de retour dans une pharmacie de Provence avec son mari, Serge Blaquière.

PHOTO FOURNIE PAR MARIETTE LAUZON

Mariette Lauzon et son conjoint, Serge Blaquière

Là, ils rencontrent un pharmacien, à qui ils demandent un test PCR – nécessaire, précisent-ils, pour leur retour au Canada. Or, le pharmacien réalise plutôt des tests antigéniques.

On n’avait jamais passé de test COVID. On nous a introduit un coton-tige dans le nez, on était convaincus qu’il s’agissait du bon test !

Mariette Lauzon

La série de malchances du couple ne s’arrête pas là. À son arrivée à l’aéroport, l’employé d’Air France chargé de vérifier ses documents ne constate pas d’anomalie. « S’il nous avait dit qu’on n’avait pas le bon test, on aurait pu repousser notre vol et réaliser un nouveau test à l’aéroport », affirme Mme Lauzon. De plus, elle et M. Blaquière se voient remettre une carte d’embarquement ready2fly qui leur permet d’éviter de nouveaux contrôles lors de leur correspondance à Paris.

C’est donc l’esprit tranquille qu’ils traversent l’Atlantique, jusqu’à leur arrivée à Montréal. Là, un agent des services frontaliers remarque que les résultats négatifs du couple ne proviennent pas de tests PCR, mais de tests antigéniques. « On nous a envoyés pendant plusieurs heures dans une petite salle, on était comme deux détenus », relate Mariette Lauzon.

Puisque le couple n’a pas les bons tests, il s’expose à des amendes de 5000 $, l’informe-t-on. On lui remet des avis de non-conformité. Là encore, toutefois, l’impression d’avoir été induit en erreur : « On nous a dit que c’était juste une formalité. On a compris qu’il ne fallait pas s’en faire. »

Pourtant, des mois plus tard arrivent les constats d’infraction, assortis de fortes amendes. « Je n’en reviens pas du montant », dit Mme Lauzon.

« Un piège »

Différente histoire, même sentiment pour Douglas Beeson, qui s’était rendu avec sa fille dans la région de Washington à l’occasion du temps des Fêtes. Tous deux ont contracté la COVID-19 lors de leur séjour – ils disposaient de tests PCR positifs pour en attester à leur arrivée à la frontière canadienne.

« Notre compréhension des règles, à ce moment, était qu’à titre de citoyens canadiens, on était en droit de rentrer au pays, puis de se mettre en quarantaine par la suite », raconte M. Beeson. C’est pourquoi il informe d’entrée de jeu le douanier des résultats positifs.

L’agent en question avise M. Beeson et sa fille qu’ils doivent s’arrêter à un chapiteau situé une centaine de mètres plus loin, sur le sol canadien.

On y va et une infirmière nous explique le processus de quarantaine. À la toute fin, elle nous dit qu’elle a le devoir de nous informer qu’on est passibles d’une amende de 5000 $.

Douglas Beeson

M. Beeson se voit alors remettre un avis de non-conformité… mais baigne dans le flou. Au début de l’été 2023 sont pourtant arrivés les constats d’infraction.

« On aurait très bien pu me dire clairement : “Monsieur Beeson, vous n’avez pas le droit d’être ici. Faites demi-tour.” Mais non ! », dit-il, exaspéré. Il affirme que s’il avait été mis au courant de l’amende qui l’attendait, il aurait rebroussé chemin.

Comme Mmes Plante et Lauzon, il a le sentiment d’avoir été trompé. « C’est aberrant. C’est complètement un piège, ce truc-là, et j’espère que la justice va le comprendre », lance M. Beeson, qui a plaidé non coupable.

Confusion autour des règles

La fin de l’année 2021 et le début de 2022 ont vu de nombreux changements aux règles d’entrée au pays. Des assouplissements ont notamment été apportés peu avant qu’Ottawa resserre de nouveau, vers la mi-décembre, les mesures d’entrée au pays en raison de la menace du variant Omicron. Ainsi, le 8 novembre, les frontières terrestres entre le Canada et les États-Unis avaient rouvert aux voyages non essentiels. Le 30 novembre entrait en vigueur une exemption de présenter un résultat négatif pour les personnes rentrant au pays après un séjour de moins de 72 heures aux États-Unis. Cette mesure avait cependant été annoncée par Ottawa le 19 novembre et circulait abondamment dans les médias et sur les réseaux sociaux depuis.

En savoir plus
  • 19 556
    Nombre d’amendes imposées à la frontière pour des infractions à la Loi sur la mise en quarantaine, du 14 avril 2020 au 29 septembre 2022. De ce nombre, 4877 concernaient une arrivée à la frontière sans test de dépistage préalable.
    Source : Agence de la santé publique du Canada
    66 millions
    Somme totale des amendes imposées au Québec en vertu de la Loi sur la santé publique, du 1er avril 2020 au 31 janvier 2023
    Source : ministère de la Justice du Québec