(Halifax) Quatre personnes, dont deux enfants, manquaient toujours à l’appel samedi soir en Nouvelle-Écosse à la suite du passage de pluies torrentielles qui ont causé des inondations majeures, des fermetures de routes et des pannes de courant dans une vaste partie de la province.

Les deux enfants se trouvaient avec trois autres personnes à bord d’une voiture à West Hants – une municipalité en grande partie rurale au nord-ouest d’Halifax – lorsque le véhicule s’est retrouvé coincé sous l’eau, a expliqué Cindy Bayers, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en entrevue avec La Presse Canadienne. Les trois autres occupants ont réussi à s’échapper, mais la GRC a refusé de commenter davantage.

Toujours à West Hants, mais dans un évènement distinct, deux autres personnes, un jeune et un homme, ont aussi été portées disparues lorsque leur véhicule s’est retrouvé submergé. Dans ce second véhicule, deux autres passagers ont pu être secourus.

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Un kayakiste passe près d’un bâtiment qui a été déplacé par les eaux à Halifax.

Alors que les premiers intervenants et les équipes de recherche continuaient de ratisser le secteur, en fin de journée samedi, la GRC a confirmé qu’aucun autre détail ne serait divulgué afin d’éviter que des gens non formés se mettent en danger en tentant de mener leurs propres recherches.

« Je sais que c’est dans notre nature de vouloir aider, mais ce n’est pas le moment, a lancé le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, lors d’une conférence de presse tenue en après-midi. Notre GRC demande aux habitants de la région de ne pas quitter leur domicile pour aller à la recherche des personnes disparues. »

Malgré tout, M. Houston a avoué qu’il ne pouvait pas s’empêcher de penser aux personnes disparues et à leurs familles.

« Je veux qu’elles sachent que nous faisons tout en notre pouvoir pour les retrouver. Je sais que toute la province se joint à moi pour prier pour qu’elles nous reviennent en toute sécurité. »

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Ce camion a été abandonné dans l’eau, à Halifax.

Deux fois la moyenne mensuelle de pluie

Les pluies diluviennes se sont amorcées vendredi après-midi dans la région d’Halifax, déversant plus de 200 mm d’eau dans les secteurs d’Hammonds Plains, de Bedford et de Lower Sackville. La ville portuaire reçoit généralement environ 100 mm de pluie au cours d’un mois de juillet moyen.

En se fiant à des estimations radar et à des observations non officielles, Environnement Canada a estimé que certaines zones pourraient même avoir reçu plus de 300 mm de pluie en 24 heures.

Les cartes radar montrent que les pluies les plus abondantes s’étendent le long de la côte sud-ouest de la province jusqu’à un point au nord d’Halifax.

Le météorologue d’Environnement Canada Ian Hubbard a affirmé que la quantité de pluie tombée sur la Nouvelle-Écosse était remarquable, mais que la vitesse à laquelle elle s’est accumulée dans certaines régions était incroyable.

« Certaines régions de la Nouvelle-Écosse ont connu des quantités similaires dans le passé, mais pas dans un laps de temps aussi court », a-t-il déclaré, ajoutant qu’une station météorologique de Bedford a enregistré des quantités « époustouflantes » de 38 mm en une heure et de 178 mm sur sept heures.

« Nous essayons toujours de comprendre cela, a indiqué M. Hubbard. C’est tellement d’eau. C’est incroyable. »

M. Hubbard a expliqué qu’un système météorologique à basse pression plus large au-dessus des Grands Lacs était responsable de la canalisation d’une longue série d’orages à travers la province, ce qui se produit rarement sur la côte Est.

« Il pompait continuellement cet air humide qui était aspiré du sud. Il avait beaucoup de propriétés chaudes et tropicales, ce qui signifie généralement beaucoup d’eau… beaucoup de tonnerre et d’éclairs. »

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Environ 750 personnes ont été forcées de fuir leur domicile vendredi et samedi dans la région d’Halifax. Des inondations majeures ont également été signalées dans le comté de Lunenburg, à l’ouest d’Halifax, où plus de 400 personnes ont été évacuées.

Vendredi soir, les niveaux d’eau ont monté si rapidement dans la région de Bedford que des bénévoles ont eu recours à de petites embarcations pour sauver des gens coincés dans leurs maisons inondées.

Dans la région d’Hammonds Plains, au nord-ouest de la ville, les inondations ont emporté les allées et les accotements de nombreuses routes.

C’est la même zone où 151 maisons et entreprises ont été détruites par un incendie de forêt qui a commencé le 28 mai, forçant des évacuations qui ont touché 16 000 habitants. Et pendant une grande partie de la semaine dernière, la région d’Halifax a étouffé sous un dôme d’humidité – un évènement rare si près de la côte.

« Évidemment, il y a énormément de personnes qui sont touchées, que ce soient des maisons endommagées, des gens à risque pour leur sécurité ou bien des milliers de personnes qui sont privées d’électricité », a noté le premier ministre Justin Trudeau en marge d’un évènement dans la région de Toronto samedi midi.

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« Avec les pluies qui vont continuer, c’est important de rester à l’écoute des autorités locales qui vont garder les gens en sécurité. Au fédéral, on est engagé directement avec nos partenaires au provincial. Nous savons qu’il y a beaucoup de travail à faire ensemble et on va être là », a-t-il promis.

Pendant ce temps, les résidants de la région d’Halifax ont été avertis de ne pas circuler sur les routes, y compris sur plusieurs autoroutes principales de la région. Plus de 30 barrages routiers sont déjà en place, principalement au nord et à l’ouest d’Halifax.

Une nouvelle catastrophe

Bien que les statistiques officielles n’aient pas encore été enregistrées, on pense que la région d’Halifax n’a pas connu ce niveau de précipitations depuis le 16 août 1971, lorsque l’ouragan Beth a touché terre près de la pointe est de la partie continentale de la Nouvelle-Écosse. À cette époque, près de 250 mm de pluie sont tombés sur la région d’Halifax, causant des inondations généralisées et des dommages de 3,5 millions de dollars.

La situation vécue samedi n’était pas sans rappeler celle qui a eu lieu l’automne dernier, lorsque la tempête post-tropicale Fiona s’est abattue sur les provinces de l’Atlantique, tuant trois personnes, rasant des dizaines de maisons et privant 600 000 foyers et entreprises d’électricité. Fiona a été l’évènement météorologique le plus coûteux de l’histoire de la région, causant plus de 800 millions en dommages assurés.

« C’est assez évident que le climat change, avec Fiona l’an dernier, les incendies de forêt ce printemps et maintenant les inondations en été, a reconnu le maire d’Halifax, Mike Savage, en entrevue avec La Presse Canadienne. Des évènements qui ne se produisent qu’une fois tous les 50 ans… on commence à en avoir eu plusieurs. »

Et la province n’est peut-être pas au bout de ses peines, car des avertissements de pluie restent en vigueur pour le centre et l’est de la Nouvelle-Écosse, y compris au Cap-Breton. De 40 à 100 mm de pluie sont attendus d’ici samedi soir.

« La pluie pourrait être intermittente au cours de cet épisode, mais des pluies torrentielles par moments et quelques orages imbriqués pourraient occasionner des quantités de pluie beaucoup plus importantes par endroits », a fait savoir Environnement Canada.

Sur des dizaines d’images relayées sur les réseaux sociaux, on pouvait voir des voitures essayant de rouler tout en étant presque submergées. Une vidéo provenant de la région de Windsor Junction, au nord d’Halifax, montrait aussi des pompiers debout sur le toit de leur camion submergé. Sur l’autoroute Bedford, normalement très fréquentée, un castor a été aperçu vendredi en train de nager sur la route submergée.

Au plus fort de la crise, plus de 80 000 foyers et entreprises étaient privés d’électricité en Nouvelle-Écosse.

Dans la région d’Halifax, deux centres d’urgence pour les sinistrés ont ouvert leurs portes vendredi soir et resteront en fonction aussi longtemps que nécessaire.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.