(Ottawa) Ottawa empêche une militante prodémocratie en Russie d’obtenir la citoyenneté canadienne parce qu’un tribunal russe l’a condamnée pour son blogue où elle s’opposait à l’invasion de l’Ukraine par Moscou.

Maria Kartasheva fait appel de la décision d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et dit craindre d’être déportée vers une prison russe.

Mme Kartasheva a quitté la Russie en 2019 en raison de la montée de l’autoritarisme. Elle travaille maintenant dans le secteur technologique à Ottawa et a cofondé un groupe militant pour la démocratie en Russie.

Comme l’a rapporté pour la première fois CBC News, Mme Kartasheva, âgée de 30 ans, a appris par l’intermédiaire de sa famille qu’à la fin de 2022, elle avait été accusée par les autorités russes d’un « délit en temps de guerre » pour avoir diffusé « délibérément de fausses informations » sur les forces russes. Les accusations concernaient deux billets de blogue écrits alors qu’elle vivait au Canada.

Mme Kartasheva a informé Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada des accusations et a téléchargé des documents judiciaires traduits en mai dernier. Quelques jours plus tard, le ministère lui a transmis une invitation pour sa cérémonie de citoyenneté.

Mais le 7 juin, elle s’est connectée à la cérémonie en ligne, aux côtés de son mari. Lors de l’entretien préalable qui a lieu avant que quelqu’un soit autorisé à entrer dans la salle virtuelle de cérémonie, on a notamment demandé, parmi les questions habituelles, si quelqu’un avait été accusé au criminel.

Lorsqu’elle a expliqué ce qui s’était passé, un fonctionnaire l’a retirée de la cérémonie, mais son mari a été autorisé à rester et il a obtenu sa citoyenneté canadienne.

« J’avais le cœur brisé. Mais j’essayais aussi de rester positive, parce que c’était encore la cérémonie de mon mari, alors je ne voulais pas gâcher la journée pour lui », a-t-elle déclaré.

Puis, en décembre, le ministère lui a écrit que sa condamnation en Russie correspondait au Canada à une infraction au Code criminel relative à de faux renseignements.

« C’était assez effrayant, parce que c’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il y avait un risque d’expulsion, de finir dans une prison russe, a-t-elle déclaré. Les gens qui finissent là-bas pour des raisons politiques n’y survivent souvent pas. »

Mme Kartasheva a soumis une explication dans son dossier et attend une réponse d’Ottawa, en espérant que le ministère reconsidérera sa décision.

Au cabinet du ministre de l’Immigration, Marc Miller, on n’a pas voulu dire s’il envisage d’intervenir. Dans un courriel, une porte-parole s’est contentée de la formule officielle : « Nous ne commentons pas des cas spécifiques, pour des raisons de confidentialité ».

La juge russe Elena Lenskaya, qui fait l’objet de sanction par le Canada, a « arrêté » Mme Kartasheva par contumace, sur la base de billets de blogue publiés en russe en mars 2022, où elle exprimait son horreur face au massacre de Boutcha, en Ukraine. Et en novembre dernier, un tribunal russe l’a condamnée par contumace.

Le tribunal du district de Basmanny, à Moscou, que le Canada a également sanctionné, a condamné Mme Kartasheva à une peine de huit ans d’emprisonnement.