(Ottawa) Les organismes qui accueillent les immigrants au Canada se préparent à une arrivée massive d’Ukrainiens avant l’expiration, le 31 mars, du programme de visas d’urgence pour ceux qui fuient l’invasion russe.

Ottawa a délivré plus de 936 293 visas d’urgence temporaires depuis mars 2022 aux Ukrainiens qui souhaitent travailler ou étudier au Canada en attendant la fin de cette guerre. Là-dessus, en date du 28 novembre dernier, 210 178 personnes étaient effectivement arrivées en vertu de cette « Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine ».

Or, jusqu’à 90 000 autres titulaires de ce visa d’urgence envisagent de venir au Canada avant la date butoir du 31 mars, suggèrent les enquêtes préalables à l’arrivée effectuées par Immigration Canada et selon l’organisme « Opération havre de paix pour les Ukrainiens ».

Il s’agirait d’une augmentation considérable du nombre de nouveaux arrivants ukrainiens par rapport aux mois précédents, a déclaré Sarosh Rizvi, directeur de l’organisme d’accueil.

Lorsque la Russie a lancé sa violente invasion de l’Ukraine en 2022, des millions de personnes ont fui le pays à la recherche de sécurité. Le Canada a adopté une approche exceptionnelle en ouvrant ses portes à un nombre illimité d’Ukrainiens et à leurs proches grâce à un nouveau programme de visa d’urgence.

Comparativement à ce qui est en place pour les personnes qui arrivent en tant que réfugiés « traditionnels », il y avait peu d’organismes de soutien bien installés sur le terrain pour aider les nouveaux arrivants ukrainiens à se remettre sur pied. Des citoyens se sont alors mobilisés pour faire don de vêtements et de meubles, des entreprises leur ont proposé des emplois et certains Canadiens les ont même accueillis chez eux.

Mais alors que l’Ukraine approche du deuxième anniversaire de l’invasion russe, cette vague de soutien s’est quelque peu atténuée aujourd’hui. « Nous n’avons pas le niveau d’intérêt public qu’il y a deux ans », admettait M. Rizvi dans une entrevue mercredi.

Des services d’accueil mis à l’épreuve

Au lieu de cela, la réponse s’est peu à peu institutionnalisée, a dit M. Rizvi. Les services d’accueil sont donc mieux préparés à réagir dès maintenant, mais l’afflux attendu mettra à rude épreuve leurs capacités.

« Je pense que chaque volet [de l’accueil] est sur le point d’être mis à l’épreuve », a-t-il déclaré, que ce soit le personnel affecté à l’installation, la capacité des hôtels et même les banques alimentaires.

L’autre défi consiste à trouver un logement pour ces gens, dit-il. « Il n’y a pas de grande réponse à ce problème pour le moment. Ça reste un besoin et il est toujours traité au cas par cas. »

L’organisme tente d’ailleurs d’encourager les personnes qui choisissent de venir avant la date limite du 31 mars à envisager de s’installer dans des localités plus petites où le logement est plus facile à trouver et plus abordable.

Un autre organisme d’accueil, Pathfinders for Ukraine, aide les réfugiés à naviguer dans le système d’immigration. Le groupe tente également de joindre des Ukrainiens à l’étranger pour évaluer si leur décision de venir au Canada est avantageuse pour eux.

Alors que le soutien s’épuise dans certains pays européens, les Ukrainiens qui ne veulent pas retourner à la guerre pourraient maintenant être tentés de venir au Canada, même si ce n’est pas tout à fait la bonne solution, a signalé le fondateur du groupe Randall Baran-Chong.

« C’est une décision exigeante en ressources, coûteuse et émotionnellement pénible que de traverser un océan », a affirmé M. Baran-Chong dans une entrevue.

« Pour beaucoup de gens, le Canada est le bon choix, mais pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas le cas. »

Il existe quelques facteurs qui donnent aux gens de meilleures chances de réussir au Canada, a remarqué M. Baran-Chong, notamment leur capacité d’adaptation et le fait d’avoir de la famille au Canada, de parler anglais ou français, d’être désireux de travailler et de disposer d’un pécule pour subvenir à leurs besoins jusqu’à ce qu’ils trouvent un emploi et paient le coût considérable d’un loyer.

Une précipitation de dernière minute

Initialement, les réfugiés ukrainiens avaient jusqu’en mars 2023 pour entrer au Canada, mais le ministre de l’Immigration de l’époque, Sean Fraser, a prolongé le délai d’un an quelques jours avant l’échéance.

Le ministère de l’Immigration a constaté une énorme augmentation du nombre de personnes arrivant au Canada avant cette première date limite, selon des documents obtenus du ministère en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Près de 8000 personnes titulaires d’un visa d’urgence sont arrivées seulement au cours de la dernière semaine de mars 2023.

Il y a également eu une précipitation de dernière minute pour postuler juste avant que le gouvernement ne ferme le programme aux nouvelles candidatures en juillet, selon les documents. Ces chiffres donnent à M. Baran-Chong l’impression que plusieurs pourraient être motivés à obtenir leur visa avant de perdre leur chance.

« Je pense que d’ici la fin du mois, nous aurons une idée du nombre de personnes qui envisagent réellement d’utiliser le visa, mais nous avons déjà entendu des gens parler de cette décision depuis probablement septembre ou octobre », a-t-il confié.

Les Ukrainiens titulaires d’un visa spécial qui arrivent après le 31 mars sont toujours les bienvenus au Canada, mais ils ne seront pas admissibles au permis de travail ou d’études de trois ans dans le cadre du programme et n’auront droit à aucune aide financière ou soutien d’accueil.