Surpassée par des athlètes dopées aux Jeux de Londres et de Pékin, Christine Girard a enfin obtenu justice, la semaine dernière. Elle a reçu deux médailles qui lui revenaient, l'une d'or et l'autre de bronze. L'haltérophile est notre personnalité de la semaine.

Christine Girard ne fait presque plus d'haltérophilie. Elle a eu trois enfants en quatre ans. Son plus jeune a 9 mois. « C'est assez de sport pour moi », dit-elle en riant. Et la diplômée universitaire en enseignement des mathématiques étudie en plus pour devenir ergothérapeute.

Mais cela ne l'a pas empêchée de recevoir deux médailles olympiques la semaine dernière. Deux médailles qu'elle aurait dû obtenir il y a longtemps : l'une d'or aux Jeux de Londres en 2012 et l'autre de bronze aux Jeux de Pékin en 2008.

Mais elle ne savait pas, à l'époque, que c'était elle la championne, parce que des tricheuses avaient pris sa place en la devançant frauduleusement, des dopées qui ont depuis été démasquées et qui ont perdu leurs titres ainsi obtenus. L'effet domino provoqué par les disqualifications a permis à Christine de monter sur le podium en bonne et due forme. Et finalement, elle a reçu ses médailles lundi dernier.

« Une grosse victoire pour le sport propre », dit-elle en entrevue téléphonique de Gatineau où elle habite maintenant, après 10 ans en Colombie-Britannique, d'où vient son conjoint, et une enfance passée dans le nord de l'Ontario et en Abitibi.

Parce que Christine Girard vient d'une famille de mineurs. Ses parents habitent encore Rouyn, même si son père fait actuellement de la formation à la mine de nickel Raglan, située près de Salluit, dans la péninsule d'Ungava. « Il a fait tous les jobs possibles dans ce monde-là. C'est un vrai mineur. »

Sa mère, elle, a longtemps veillé sur les quatre filles Girard, à temps plein à la maison, avant de travailler en garderie.

Dans la famille Girard, l'haltérophilie est une passion. « C'est ma soeur qui a demandé de faire ça quand on a déménagé à Rouyn », explique Christine. Les filles, un peu timides, n'y connaissaient personne et les parents aimaient l'idée d'une activité qui leur permettrait de rencontrer des amies, même si l'haltérophilie n'était pas leur première idée. « Mais ma soeur a été persistante et les a convaincus. » 

Finalement, tout le monde s'y est mis, y compris la cadette, notre nouvelle médaillée d'or olympique, la première Canadienne à se rendre aussi loin, qui avait alors 8 ans.

Les parents n'ont jamais fait d'haltérophilie, mais ils ont toujours été actifs, dit l'athlète. « Ils jouaient au baseball. » Et c'était eux qui organisaient les tournois de ballon-chasseur dans le quartier.

Christine pense-t-elle que ses propres enfants en feront ? « Mon fils s'amuse à lever un bout de bois... Il a 4 ans. Je ne sais pas où ça va aller. Mais chose certaine, le sport va toujours faire partie de notre vie. »

DE TEMPS EN TEMPS

Aujourd'hui, Christine Girard fait de l'haltérophilie seulement « une fois de temps en temps ». Mais elle a gardé la capacité de ne jamais vraiment avoir à demander aux autres, disons, d'ouvrir un pot de cornichons. « Je n'ai pas souvent besoin d'aide, dit-elle. Disons que j'arrive à m'arranger. »

Quand elle s'entraînait en vue de compétitions olympiques, son régime était pour le moins strict. Que des légumes et des protéines, pratiquement pas de glucides. Du vin ? Une rare gâterie. « Même une toast avec du beurre, c'était super spécial. »

Des entraînements huit fois par semaine, des bains de glace, de la physio et des massages, beaucoup de sommeil, même des siestes les jours avec deux séances d'entraînement. Si elle faisait autre chose que de lever des poids, c'était du fractionné à vélo pour contrôler son poids. 

Parce qu'en haltérophilie, le contrôle du poids est une réalité constante de la vie. Il faut avoir le plus de muscle et de force musculaire possible, mais ne jamais dépasser un certain poids dans une catégorie donnée. Pour elle, c'était 63 kg, 138,9 lb.

Ses records ? 108 kg à l'arraché et 136 kg à l'épaulé-jeté.

La médaillée d'or olympique a fait sa première compétition canadienne à 15 ans, sa première compétition internationale à 16 ans. Tout de suite elle a compris que le dopage faisait partie du paysage. Mais tout de suite aussi elle s'est dit qu'il y aurait moyen « d'aller à un haut niveau tout en restant [s]oi-même ».

Parce que la propreté dans le sport, pour Christine Girard, est un sujet qui touche ses valeurs profondes, son identité. Elle explique que son choix de recevoir ses médailles au Canada, au Centre national des Arts la semaine dernière - plutôt qu'aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020 -, n'est pas anodin. Elle voulait associer son pays à cette démarche de justice dans la compétition, un peu comme dire à tout le monde que nous, ici, on n'est pas comme ça.

CHRISTINE GIRARD EN QUELQUES CHOIX 

UN FILM 

« Vous allez rire, mais le film qui me fait rêver en ce moment, c'est Moana ! Je regarde ça avec les enfants, évidemment. Ça me fait penser aux plages du Sud et ça me rend heureuse. » Moana est un dessin animé de Disney dont l'action se passe en Polynésie.

UN LIVRE 

« J'ai beaucoup aimé Au nom du père et du fils », roman historique québécois de Francine Ouellette. « Ou encore Les filles de Caleb. J'adore tout ce qui est historique québécois. Comme la série télé Nos étés. »

UN PERSONNAGE CONTEMPORAIN 

« Tous ceux qui ont lutté contre le dopage dans le sport. » Comme Dick Pound, ancien président de l'Agence mondiale antidopage, les lanceurs d'alerte russes, Beckie Scott, skieuse de fond canadienne, présidente du Comité des athlètes de l'Agence mondiale antidopage, elle-même médaillée d'or de Salt Lake City après deux disqualifications liées au dopage.

UNE PHRASE 

« La peur n'est pas une bonne raison de ne pas faire quelque chose. »

UNE CAUSE QUI LA FERAIT DESCENDRE DANS LA RUE MANIFESTER 

L'accès à l'éducation pour tous les jeunes. « Et sur ma pancarte, j'écrirais : "Nos enfants, c'est le futur." »