(Ottawa) Le Canada a lancé la Déclaration sur la détention arbitraire alors que Michael Kovrig croupissait dans une geôle chinoise. Désormais libre, ce dernier sera aux Nations unies la semaine prochaine afin de participer à une rencontre coanimée par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

« Sa présence démontre le fait qu’il croit dans l’initiative, résume la ministre Joly en entrevue. Il pense aussi que son expérience doit être partagée pour que les gens à travers le monde soient davantage sensibilisés à l’utilisation de la diplomatie d’otage. »

L’ancien diplomate, qui a passé plus de trois ans en détention arbitraire en Chine, partagera cette tribune avec le journaliste Jason Rezaian, incarcéré pour « espionnage » à la tristement célèbre prison d’Evin, à Téhéran, et l’avocate Amal Clooney, qui a notamment représenté la journaliste Maria Ressa.

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ancien diplomate canadien Michael Kovrig

Le dialogue sera coanimé par la ministre Joly et son homologue américain, Antony Blinken, et il se tiendra mercredi prochain dans les locaux de la représentation du Canada aux Nations unies. La diplomate en chef du Canada passera la semaine à New York, mais c’est cet évènement qu’elle considère comme « le plus important ».

Ainsi, 71 États membres des Nations unies ont jusqu’à présent adhéré à l’initiative lancée en février 2021, au moment où les « deux Michael » étaient captifs du régime de Xi Jinping. Le Canada s’est alors « rendu compte qu’il n’y avait pas d’assises en droit international sur cette question », expose Mme Joly.

Le but de la rencontre de mercredi prochain, ajoute-t-elle, est autant de « mettre l’accent sur cette question et présenter différentes perspectives, particulièrement [celles] des personnes qui l’ont vécu » que d’« augmenter les différents mécanismes de dissuasion ».

« La force du nombre »

Le libellé de la déclaration n’identifie aucun pays, mais on pense évidemment aux suspects habituels que sont la Chine, la Russie ou encore l’Iran. Ils n’en sont pas non plus signataires et ne s’engagent donc pas à ne pas pratiquer la détention arbitraire dans le contexte de relation diplomatique entre États.

Mais la force du nombre compte, plaide Mélanie Joly : « Ce que ça fait, c’est qu’à partir du moment où tu as un pays qui est victime de ça, dont les citoyens sont détenus arbitrairement, ce pays-là peut se retourner vers tous les autres signataires pour avoir leur appui. Et ça, ça crée une force de coalition. »

Le contexte géopolitique n’est pas étranger à la hausse du nombre de cas, la rivalité entre grandes puissances éclipsant la coopération multilatérale – et « les conditions sont réunies pour que la pratique perdure », lit-on dans un rapport du Soufan Center corédigé par l’ex-femme de Michael Kovrig, Vina Nadjibulla.

« L’enjeu de la prise d’otages par des États requiert une attention constante », pas juste quand surviennent « des affaires très médiatisées », est-il aussi écrit dans le document que cosigne la chercheuse, qui a œuvré en coulisses afin de négocier la libération des « deux Michael », et qui sera aussi à New York.

Pour en revenir à la ministre Joly, elle enfilera les évènements pendant sa présence au siège onusien : un sur les droits de la personne et la justice au Soudan, un sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan, et une rencontre sur la crise en Haïti, en compagnie du premier ministre Justin Trudeau.